طباعة
المجموعة: Société
الزيارات: 23401

Le Haïk Azemmouri, qui est plus qu’un symbole, est en voie de disparition

Écrit par : Hadj Abdelmajid Nejdi

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le haïk Azemmouri, cette tenue vestimentaire, qui faisait partie pendant des siècles, des coutumes vestimentaires des citadines de la cité du Saint Moulay Bouchaïb Erreddad, Azemmour, est aujourd'hui en voie de disparition. Rares sont en effet les femmes Azemmouries qui portent aujourd’hui encore le haïk qui représente l’une des composantes du riche patrimoine vestimentaire Doukkali.

Le haïk, ce vêtement, qui tenait une grande place dans la terre des paradoxes, Azemmour, qui est l'une des plus anciennes et des plus pittoresques villes de la côte atlantique marocaine, était un symbole de pudeur et de décence. Malheureusement, il est tombé en désuétude et disparaît peu à peu, laissant place sous l’effet de la mondialisation à des vêtements en provenance des pays occidentaux, du Moyen-Orient ou de pays musulmans. Seules quelques vieilles femmes, fières de leurs traditions, arborent encore leur haïk, symbole de leur attachement aux traditions.

Le Haïk Azemmouri,  symbole à la fois, de pudeur et d'élégance féminine, n’est plus considéré par les générations montantes comme élément de l'identité azemmourie authentique, mais aussi comme un facteur de promotion touristique de la ville d'Azemmour. Pourtant, le haïk était étroitement lié à la vie citadine de la paisible Kasbah d’Azama. Dans cette ancienne cité, la femme avait tendance à porter cette longue étoffe blanche en laine fine, en lin ou en fil de soie pour se couvrir contre les regards étrangers et pour préserver sa blancheur du soleil.  Mais ce morceau d'étoffe ne servait pas qu'à couvrir le corps de la femme. Cet effet vestimentaire a été un facteur d'union et d'unité, en ce sens que le haïk masquait les différences « régionales » des habitants de la Kasbah. Nombreux sont ceux qui ignorent que des femmes juives azemmouries et des migrantes européennes, notamment qui vécurent à la Kasbah s'étaient pleinement intégrées dans son contexte social et avaient adopté ses règles et ses usages. Le haïk était aussi un costume d’extérieur des citadines marocaines Azemmouries qui est d’une grande simplicité et sobriété, à la différence des vêtements portés pour les fêtes ou autres cérémonies. Or, on constate avec amertume que le haïk, qui est aussi un repère culturel, fait désormais partie du passé et a tendance à se perdre et à se faire remplacer par d’autres tenues, surtout venues des pays du Golfe ou d’Iran.

Bons nombres d’Azemmouris ne cachent pas leur  inquiétude face au délaissement du haïk par les générations actuelles. Car plusieurs des jeunes Azemmouris ignorent tout de cet effet vestimentaire. Et c’est une triste réalité : ce voile propre à la femme Azemmourie est en train de tomber dans l'oubli et la désuétude. Dans cette cité du Saint Moulay Bouchaïb Erreddad, qui était une ville prospère et très fréquentée, ce voile blanc avait un aspect pratique non négligeable. A l'époque, non seulement il préservait le corps de la femme des regards indiscrets, il lui permettait de cacher également les bijoux qu'elle portait éloignant de son chemin les esprits malintentionnés et autre mauvais œil. Tissé en fil de soie pure, cet accoutrement permettait aux femmes de la bourgeoisie de se démarquer. Il dénote ainsi ce comportement social civilisé ayant prévalu à Azemmour, El Jadida, Essaouira, Chefchaouen, Oujda.. .

Il n'existe pas d'études scientifiques à même d'attester que le haïk est natif d'Azemmour, mais il est certain qu’il constitue un repère structurant de la ville dont il a très longtemps sublimé le décor qu'il a embelli de son blanc immaculé. Mais ce qui sûr et certain c’est que la différence entre le haïk d’Azemmour, d'Essaouira et des autres villes réside dans la manière dont les femmes le portaient et par certains accessoires propres à chaque localité (Ngab, voilette du visage, à Oujda par exemple). Ainsi, dans les rues et marchés d’Azemmour, les femmes étaient vêtues de haïk dès l'âge de 16 ans, portaient leur regard par un seul œil tout en cachant tout son corps, n’ont jamais envisagé de le changer par quelque autre habit et ne pouvaient pas sortir dans la rue sans être drapée du haïk, qui était en vérité une grande pièce de laine d'environ cinq mètre sur un mètre soixante, qui dissimule les formes du corps et voile les traits du visage.

Nous savons d’avance que certains vont  interpréter le port du haïk de façon erronée vu qu’ils vont dire que c’est une pratique attentatoire à la dignité et à l’égalité entre les hommes et les femmes voire une marque de sous-développement. Pourquoi donc toujours opposer l’identité vestimentaire et modernité, féminisme et femme voilée, liberté et femmes musulmanes comme si ces termes étaient forcément antinomiques ? Pourquoi veut- on aller à contre-courant des critères et des diktats de beauté que l’Occident et son culte du paraître tente d’imposer dans notre société musulmane tandis que  l’Islam est une religion, au-delà des actes cultuels, donne une part importante au bon comportement et au respect des valeurs comme la solidarité, la paix, le respect envers les parents et l’amour — des valeurs universelles, en somme !?

Mais, à notre avis, ce « voile », tenue vestimentaire féminine par excellence, pourrait, grâce à un renouveau de style, permettre de réaffirmer de nouveau l’attachement des femmes Azemmouries à leur identité vestimentaire et à leurs valeurs culturelles et civilisationnelles ancestrales. Et ce, tout en donnant un grand coup de pousse aux anciens métiers traditionnels' d’Azemmour (tisserands, fileuses, cordonniers, tanneurs, forgerons, ébénistes...) si on veut vraiment sortir de la longue léthargie cette contrée paradisiaque qui n’est autre que la cité d'Azemmour qui a vraiment toutes les potentialités pour jouer un grand rôle dans le développement du secteur touristique dans la province, la région et le pays.

Nous lançons un appel aux Autorités Provinciales, à la Direction Régionales du Ministère de la Culture, aux services concernés et au Conseil Municipal d’Azemmour à promouvoir et réhabiliter cette mythique tenue vestimentaire, aujourd'hui en voie de disparition, en lui redonnant sa valeur véritable et en lui donnant une seconde vie pour qu'elle demeure un élément de fierté pour toute la ville. Et ce, en organisant des journées culturelles sur le haïk et le hanbal et en les intégrant à l’artisanat de la ville afin de faire découvrir aux nouvelles générations cet habit traditionnel qui conférait une certaine élégance et une allure particulière à celles qui le portaient.