Lorsqu’on évoque l’Université ou l’univers universitaire en général, nos premières pensées vont de suite à un environnement  de  science, de savoir, de  recherche, de nouvelles technologies et tout ce qui est à même d’assoir une plate forme à même de tirer toute nation vers le haut et le progrès

Mais que doit-on y penser lorsque dans certaines sociétés, les années passent et semblent se ressembler. Que doit-on y penser, quand  ces « hauts lieux du savoir ». et au lieu de science et du progrès escompté, elles ne font parler d’elles qu’à travers des affaires de malversation, de harcèlement envers des étudiantes, de guerres intestines entre enseignants….

Dernièrement l’université Chouaib Doukkali d’El-Jadida d’organiser  le XIVème congrès international de la Pierre Sèche (22 – 24 septembre). Et le moins que l’on puisse dire est que ce grand rendez-vous auquel ont participé plus d’une quarantaine de nations, a été bâclé et rien n’y a été fait pour  en tirer profit.

Un congrès de cette envergure se prépare longtemps à l’avance, il fallait créer une cellule de travail et de réflexion pour mener à bien cette entreprise. Par ailleurs, il était nécessaire d’y inclure une association de défense de l’architecture rurale. Il y a quatre ou cinq ans, Feu Michel Amengal avait mis au point les statuts d’une association qu’il avait dénommée « Pierres et Racines ». Il suffisait d’en déposer officiellement les statuts et de recruter des membres, non seulement dans la région des Doukkala, mais dans d’autres provinces du Royaume, car des édifices en pierre sèche existent ailleurs au Maroc. Il y en a dans la région de Zagora comme dans l’Atlas, et même dans la région de Safi. Ainsi, la cause ne serait plus locale ou régionale, mais nationale, avec une aura supplémentaire pour l’ensemble du Royaume.

Or depuis la désignation de Doukkala comme prochain lieu de la XIVème rencontre, rien n’a été accompli à ce propos.

Aucune date précise pour l’organisation de cet événement n’a été fixée à l’avance. A quelques petites semaines de ce rendez-vous, peu en connaissaient la date. On pataugeait, on tâtonnait et on donnait l’impression de ne pas trop savoir, quoi faire avec ce congrès, devenu presqu’une corvée pour les « organisateurs » !

Entre temps, Michel Amengal qui s’est battu comme un lion pour l’organisation de ce congrès au Maroc et surtout pour sa réussite et à ce que la pierre sèche au Maroc en tire profit, est décédé un certain 30 septembre 2013.

Voilà pourquoi entre le 22 et le 24 septembre, ce congrès s’est déroulé dans un anonymat et des conditions incompréhensibles. Et qu’au lieu de parvenir à l’accomplissement de son noble objectif initial, il s’est apparenté, faute de professionnalisme, à une rencontre où l’on semblait s’acharner, afin de  mettre en avant …l’hospitalité marocaine ».

 

 Pour mettre le lecteur au cœur de cette histoire, en voici un petit rappel des événements depuis leur début:

L’histoire a commencé dans la Province d’Ogliastra en Sardaigne (Italie), 21-23 septembre 2012 lieu où a été abrité le Congrès International de la Pierre Sèche et au cours duquel Doukkkala a été désigné pour abriter la XIV édition.

Une rencontre à laquelle ont participé une centaine de congressistes, venus de divers pays comme : l’Australie, l’Italie, la Suisse, la Grèce, le Royaume-Uni, la France, le Pérou, le Yemen … Des participants qui avaient pour métier : l’architecture, l’archéologie, l’anthropologie, l’histoire, la science… mais aussi ceux faisant partie d’associations attachées à la défense du patrimoine rural.

En cette occasion rappelons que c’est feu Michel Amengal, qui avait représenté le Maroc à cet événement. Un grand homme français d’origine, mais grand défenseur du patrimoine marocain.

En Sardaigne, il avait choisi comme thème de son exposé : « les tazotas, lieux de vie, mais chefs-d’œuvre en péril »…

C’est un rendez-vous qui a lieu tous les deux ans et a pour principaux objectifs, la diffusion des connaissances sur cet art traditionnel à savoir, la construction en pierre sèche. Construction, maintenance, échange d’expériences, recherche, facilitation… tels sont quelques uns des maitres mots devenus comme un leitmotiv lors de ce congrès.

Il faut dire que cette désignation a été un honneur pour le Maroc et un hommage au travail de ces paysans qui ont su, avec des pierres entassées selon des règles très précises mises au point par des « maâlems » anonymes, en faire des chefs-d’œuvre architecturaux.

Pour mieux séduire les participants, feu Michel Amengal avait accompagné son exposé d’un diaporama musical et parlé de la région des Doukkala qui était présentée dans ses divers aspects, avec les tazotas, bien sûr, et comme corolaire, les « toufris », ces abris sous roche qui jouxtent généralement les tazotas et qui, pour beaucoup, avaient les mêmes fonctions.

Il a également saisi cette occasion pour rappeler des moments d’histoire commune entre la Sardaigne et la région d’El Jadida : les Phéniciens auraient construit Cagliari, la capitale, comme ils auraient établi un comptoir à El Jadida, sous le nom de Rusibis.

Les plans de la Cité portugaise d’El Jadida ont été réalisés par un architecte italien, Benedetto da Ravenna, à la demande du roi du Portugal. Des Sardes ont été incorporés dans les unités militaires portugaises qui défendaient la citadelle, pendant que d’autres guerroyaient aux côtés des troupes marocaines.

Des bateaux sardes mouillaient dans le port de Mazagan pour le négoce. Le Royaume de Sardaigne avait même nommé un consul à El Jadida, dans les années 1820. On retrouve aussi des motifs sardes dans la broderie d’Azemmour, comme le paon, qui est l’emblème de la Sardaigne….jusqu’aux moutons sardes – les Sardis- racen du reste, très prisée par les marocains…

Quant à la lettre du gouverneur M. Mouâd Jamaï qui a été lue devant l’assistance, elle avait constituée un message, une feuille de route en quelque sorte, de ce qui allait être entrepris pour donner à ce type d’architecture la place qui lui revient dans le caractère identitaire de la province.

Un programme qui fait appel à la coopération internationale, mais aussi à la participation et à la sensibilisation des paysans marocains eux-mêmes vivant dans cette région.

Les congressistes ont été très sensibles à ce message et ils ont apprécié la volonté qui semblait pugnace du Gouverneur de valoriser ce patrimoine, afin de donner plus d’envergure à la province dont il a la charge, et les retombées évidentes sur tout le Royaume.

« Il nous faut, a dit notamment M. Mouâad Jamaï, procéder à l’inventaire des édifices, en assurer la préservation, la promotion, la protection, étudier la possibilité de formations de constructeurs en pierre sèche et, pour devancer le futur, mener des expériences d’architectures nouvelles à partir de pierres sèches ».

M. Mouâad Jamaï a également fait des propositions d’une immense portée : « Nous souhaiterions, a-t-il dit, créer un Centre Maghrébin de l’Architecture Rurale, qui aurait pour mission de coordonner les diverses actions menant à la préservation de ce patrimoine architectural, car nous savons qu’il existe de telles structures en Algérie, en Tunisie, en Lybie, mais aussi en Mauritanie…Nous pourrions y adjoindre un Institut où serait enseignée l’architecture vernaculaire, qu’elle soit en pierre sèche, ou en pisé ( terre crue) afin que le savoir ancestral soit préservé mais aussi que de nouvelles techniques y soient développées et des métiers nouveaux inventés. Ce serait enthousiasmant pour notre jeunesse et générateur d’emplois. Nous pourrions y organiser des ateliers qui réuniraient des jeunes Maghrébins et des jeunes Européens pour restaurer les tazotas délabrées et abandonnées, afin de leur donner une nouvelle vie

Et pourquoi ne pas construire en commun un village de jeunesse en pierre sèche, qui serait un lieu de vacances original pour nos jeunes de tous pays. Des échanges et des visites de spécialistes de la pierre sèche du Nord et du Sud pourraient également être régulièrement entrepris… ». M. Jamaï a donc bien l’intention de proposer d’instaurer de nouvelles approches de collaboration et de coopération par la création d’entités et de structures à rayonnement international. Le gouverneur va encore plus loin en souhaitant impliquer l’Union pour la Méditerranée, dont le secrétaire général est marocain, basé à Barcelone, dans des projets de coopération entre les deux rives de la Méditerranée. Tout comme il souhaite, vu les relations privilégiées que le Maroc entretient avec l’Union Européenne, s’insérer dans le Réseau Européen de Pierre Sèche (REPS) qui peut subventionner des projets porteurs d’avenir.

« La tâche ne nous parait pas insupportable, ajoutait le Gouverneur dans son message aux congressistes, surtout si nous pouvons compter sur votre expérience, votre savoir-faire et votre dynamisme. » et d’inviter les participants à tenir leur prochain congrès à El Jadida, dans cette province où l’histoire et la pierre y sont constamment présentes à travers les citadelles de Mazagan , de Moulay Abdallah ou d’Azemmour….La suite réservée à cette invitation n’était pas évidente au départ car cinq pays se portaient candidats : la France, la Suisse, l’Ile de Crète et la Grèce et bien sûr le Maroc. Même si la candidature du Maroc était la préférée, même si nous avions le soutien implicite du Président de la Conférence, l’éminent archéologue Pierre Guy Stephanopoulos,( qui a fait des fouilles au Maroc et connait et aime bien le pays,) du président Michelangelo Dragone et de la secrétaire générale Adà Acovisioti-Hameau, de la SPS, la Société Scientifique Internationale pour l’étude pluridisciplinaire de la Pierre Sèche,( qui organise ces congrès) il fallait ne pas froisser les autres candidatures. Vite, la France et la Suisse se sont retirées. Et un compromis fut trouvé : le Maroc sera le prochain lieu de rencontre en 2014, la Grèce pour le congrès suivant, en 2016. Tout cela dans une grande fraternité qui a été applaudie par tous.

Les tazotas

Les tazotas ne se trouvent que dans la province d’El Jadida, à une vingtaine de kilomètres de la capitale des Doukkala et sont mal connues, des marocains eux-mêmes. Ces tazotas sont des constructions en pierre sèche, c’est-à-dire sans mortier ni ciment pour les assembler. Certaines sont utilisées comme habitation, d’autres comme grange, grenier, resserre ou étable…

On en dénombre, par exemple dans la commune rurale d’Ouled Rahmoun, près de 400. Les paysans sont obligés d’épierrer les terres rocailleuses agricoles. Ces pierres sont utilisées pour l’édification de murets (Stara), d’enclos (Zriba), d’abris, de cabanes en pierre sèche à voûte d’encorbellement (tazotas), et de silos enterrés (toufris).

Différentes hypothèses sont données quant à l’origine du mot tazota, mais celle la plus couramment répandue reste celle-ci. Dans le dictionnaire amazigh (berbère), Tazudea ou Tazoda signifie « bol », « écuelle renversée » et en effet, les cabanes ont une forme qui peut rappeler un bol renversé.

Les tazotas sont connues pour isoler tant de la chaleur que du froid, sur la paroi très peu inclinée, la pluie glisse facilement et c’est la raison pour laquelle elles ont certainement été érigées. Concernant l’orientation, l’unique ouverture est la porte et se trouve toujours du côté de l’est (le soleil y pénètre très tôt).

Des pierres plus grosses sont utilisées pour le tour des ouvertures et les chaînages ainsi que les marches des escaliers.

L’entrée est étroite. Un couloir mesurant au maximum 2 m protège l’intérieur contre les vents et la pluie.

Hélas! Un certain nombre d’entre elles sont abandonnées et le style de construction en voie de disparition.