Quel rapport peut-il y avoir entre une montagne, une souris et une télévision ? Un budget colossal. Le rapport n’est-il toujours pas clair ? Quand une télévision investit des sommes faramineuses pour concocter un programme saisonnier, de surcroit celui de Ramadan, et que le résultat rappelle étroitement le proverbe « La montagne a accouché d’une souris », quand le menu d’un restaurant annonce un « Emincé de suprême de veau sur son lit de verdure » et qu’on se retrouve devant une vulgaire tranche de viande caoutchoutée accompagnée d’une brindille de salade flétrie, on comprend mieux la situation du champ visuel, de surcroit pendant le mois béni, et le leurre du tapage fait autour de la programmation de Ramadan, chaque année, sur les télévisions nationales, et qui révèle, des les premiers jours de diffusion, des flops avérés.
Prenons la tranche horaire la plus regardée, celle du prime-time où les jeuneurs dévorent en même temps leur mets et la programmation télévisée et qui se situe avant, pendant et après le f’tour et où le taux d’audience peut atteindre 90%. Sur Al Oula, le show commence avec la caméra cachée, ‘’Hamaka”, une employée excentrique qui revêt à chaque émission un rôle différent et qui déroute ses clients par ses réactions fortuites. Un concept sans surprise qui arrache à peine un sourire mais qui a au moins le mérite de ne pas heurter la sensibilité des victimes du gag ni leurs sentiments, contrairement à son acolyte 2M.
Des sitcoms suivent alors, proposant des thèmes sociaux différents, tels que la série « Bent Nass » qui met en scène un vétérinaire quadragénaire, célibataire endurci désireux convoler en justes noces, réunissant des acteurs de talents mais dont la trame simpliste inhibe les prestations.
D’autres situations se veulent cocasses avec la série « L’Parking » et dont les événements se déroulent dans un parking d’autos où travaillent un agent d’entretien et un gardien de voitures. Une série qui prétend divertir mais qui y échoue à cause de plusieurs lacunes dans le scenario, l’histoire et la piètre prestation de certains comédiens.
La défilé se poursuit avec « Supermarket », un sitcom tourné dans un supermarché par une équipe excentrique : des caissières avec toute la courtoisie dont elles doivent faire preuve le long de la journée, un vigile benêt qui se fait malmener par toute l’équipe et surtout par son gérant, un animateur qui se fait exploiter par sa candeur, le quotidien d’un supermarché pas toujours évident. La présence de l’actrice de talent Bouchra Ahriche dans les deux sitcoms sauve heureusement la face.
Suit de prés une représentation de la crise de l’adolescence et le conflit de génération qui réunissent une jeune fille et ses deux grand-mères quand les parents de l’adolescente partent travailler à l’étranger, « Chib ou chbab »
Un télé-feuilleton qui nous sort un peu de la léthargie où nous plonge les émissions précédemment citées, qui a fait appel à la jeunesse marocaine et qui a mis à jour les problèmes de toute une génération.
Promesses non tenues, animation indigne de son coût et qui refuse de suivre l’évolution médiatique et technologique, insultant de la sorte l’intelligence humaine et ayant peu d’égard à ses besoins, voila les ingrédients prévisibles du bide. Et pourtant, ce même « consommateur » d’images paie des impôts qui contribuent au financement des médias. Une programmation qui aurait coûté cette année au contribuable 86 millions de DH, rien que pour le mois de Ramadan, comme l’a déclaré récemment le ministre de Communication.
Prenons l’exemple de la chaîne 2M, les tarifs f’tour se situaient entre 53 880 DH et 84 150 DH en 2013. Les gros budgets doivent amener de grosses émissions. C’est pourquoi nous avons croisé les doigts après le 2ème jour de diffusion de la programmation sur nos chaines nationales pour que la magie opère tout le mois.
Mais encore une fois nous avons déchanté avant même la fin de la 1ère semaine.
Pas de quoi fouetter un chat, rien de surprenant et une platitude qui devient un leitmotiv annuel…
De quoi perdre espoir en un avenir télévisuel meilleur.