Après une fermeture ayant duré des années, suivie par le déblocage d’une enveloppe approchant les 900 millions de centimes, le théâtre d’El Jadida  et après  complète rénovation, fut inauguré un certain 6 novembre et appelé sur Décision Royale, théâtre Mohamed Saïd AFIFI.

Ce jour là, les jdidis avaient fêté  et la récupération de ce joyau architectural   et la Marche Verte. Un fleuron, que tout un chacun, espérait  voir remplir un rôle central  dans l’animation culturelle  de la ville.

 Les responsables n’étaient pas en reste et donnaient, à leur tour l’impression de ne  rien vouloir  laisser au hasard, pour éviter les erreurs du passé et veiller à   la réussite de ce challenge.

Plusieurs réunions auxquelles assistèrent toutes les parties concernées, de près ou de loin,  par le devenir de ce théâtre furent organisées. Des points intéressants furent soulevés par les participants :

-Former une culture du théâtre chez le public de demain :

* Organiser chaque semaine des visites guidées au profit des écoliers.

* Sensibiliser le public adulte à une conduite citoyenne pendant la présentation des spectacles : éteindre son téléphone, s’abstenir d’engager une discussion avec le voisin…

– Création des postes de directeur administratif et de directeur artistique.

– Concrétisation de divers partenariats avec sociétés, associations ….

– Tirer des leçons du passé pour mieux assainir l’ambiance générale dans le futur.

– Encourager les activités au sein des Maisons des Jeunes, des écoles, du (es) centre (s) culturel (s) qui doivent constituer, en parallèle, cette synergie positive, et devenir  un véritable vivier pour la découverte des talents de demain.

On fut amplement conscient aussi, que parler  théâtre, c’est parler culture. Et que c’est un service public, au même titre que la santé, la justice, l’enseignement…Le théâtre donc, est un projet de société et de territorialité et en tant que tel, il n’a pas besoin d’un langage de chiffres… mais de savoir.

On s’attela aussi sur les tâches relevant de la gestion:

– Comment le gérer ?

– Comment créer des partenariats ?

– Pour quelle programmation ?

Et puisque  cet édifice  est d’abord un haut lieu de rayonnement culturel et non pas un champ d’expérimentations aveugles et d’amateurisme, les questions qui se sont  posées furent :

– Quel théâtre voulons-nous pour le futur ? Un théâtre moderne ou un théâtre populaire ? Un espace dédié à l’événementiel avec éclat, mais qui reste éphémère dans le temps, ou un théâtre illustre et un modèle instructif de haut niveau ?

On a aussi fait savoir, que ce haut-lieu culturel, symbole de l’espoir et garant de la mémoire collective, ne peut surgir du néant, puisque l’univers culturel est un tout, une atmosphère qui doit vous entourer en vous imprégnant de connaissances et de savoir. Et pour relever ces défis, de haute importance socioculturelle pour la ville, de vastes projets furent cités :

–    Lancement des travaux de construction d’un centre cinématographique.

–    Édification d’un centre culturel.

–    Relooking du théâtre de  plein air de Sidi Bouzid, qui sera éventuellement, dirigé par le même staff que celui qui aura  en charge la gestion de celui d’El Jadida.

–     Aménagement en lieu de  spectacle de la Capitainerie d’Azemmour: scène, loges pour artistes et une place à ciel ouvert capable de recevoir jusqu’à  neuf cents invités.

La volonté n’y manquait pas…en théorie du moins.

Il faut dire que par le passé, ce théâtre a englouti d’importants moyens  chaque fois que de besoin : Meetings, campagnes électorales, réunions de divers organismes, soirées de tous genres de plus ou moins bonne tenue s’organisaient en ces lieux…  Il suffisait  de s’acquitter de la modique somme de 1.000 DH, et encore, envers une municipalité censée en être  responsable.  

 Et le résultat?…Des dégradations fréquentes et très importantes,  nécessitant des fermetures nécessaires,  le temps parait-il, de réunir (une fois de plus) le budget adéquat à ces travaux, puis réouverture … dégradations… travaux …..Pour ce qui est devenu, un réel gouffre financier.

La majeure partie des rénovations fut confié à l’architecte de la province et à certains techniciens du même service. On a beau répéter à chaque fois, que restaurer un théâtre, ne ressemble en rien à celle d’un quelconque édifice administratif, qu’il y a des ambiances sensorielles à préserver, la sécurité, le confort, le bien-être du public… et donc  un cahier des charges des travaux à prévoir et qui ne doit être envisageable que par un collectif composé de différents experts en la matière…mais rien n’y fait

  Et voilà pourquoi et comment, tant de « crimes » ont été commis dans ce bâtiment par le passé:

– Destruction du couloir de l’entrée qui servait d’isolant thermique et phonique entre la salle et l’extérieur.

– Destruction du muret situé à l’entrée de la salle et qui jouait le même rôle prépondérant que le couloir.

– Détérioration des murs, pour une soi-disant  meilleure décoration, alors qu’ils étaient revêtus d’une toile acoustique et que leur construction obéissait à un positionnement des briques, à un matériel et à un processus stricts.

– même sort pour le revêtement acoustique du sol,  remplacé par une vulgaire mosaïque.

– Non respect pour le choix des sièges qui ne dérogeaient pas à la règle et devaient obéir à ces même critères, afin de réguler toute source de bruit.

– Très mauvaise sonorisation scénique  due à l’achat de matériel inadapté et peu onéreux,  pour ne pas dire bas de gamme.

– Au niveau de l’éclairage : Installation inadaptée, versant plus vers l’esthétique, que le pragmatique, donnant au final à la salle, l’aspect d’un vulgaire salon de thé et oubliant au passage, que ce  lieu, a besoin d’un éclairage d’ambiance  et d’un autre  scénique.

C’est donc pour toutes ces raisons et bien d’autres et afin de  ne pas reproduire les erreurs passées, que des amateurs du théâtre et de la magie des planches, ont œuvré pour que cette énième rénovation soit  réussie et pour qu’un directeur administratif ainsi qu’un directeur artistique soient nommés et des spectacles diversifiés et de bonne qualité en soient proposés.

 Rappelons que certains politiciens de notre honorable conseil municipal, « à l’intelligence vive et à l’énergie débordante », ont  été  jusqu’à suggérer, il y a quelques années, de raser  ce théâtre pour dégager la vue sur mer et  agrandir l’espace du centre ville !   

 Hélas donc, force est de constater que d’autres inepties apparaissent 

Aujourd’hui, une année après son inauguration du 06 novembre à l’occasion de 37ème anniversaire de la Marche Verte, et  pas loin de 900 millions de centimes dépensés, ce théâtre de 400 places, souffre toujours de bévues graves :

Rien de toutes les décisions prises, ne fut appliqué. Toujours pas l’ombre d’un directeur administratif et encore moins d’un directeur artistique. Aucune animation n’est à noter. Un théâtre fermé  la majeure partie du temps…semblant hors du temps,  en quête de son illustre…temps passé !

Ce théâtre rénové à coups de millions de centimes, par l’argent du contribuable, comporte des loges d’artistes, manquant du moindre équipement  sanitaire et élémentaire :

Pas d’eau potable, de système d’évacuation d’eau usée, de lavabos, de douches, de tables de maquillage, de miroirs, de porte-manteaux, d’appliques, de …!

– Une seule douche et un seul lavabo pour hommes et pareil pour les femmes, font office (au fond de la scène) de tout confort.

–  Comment vont faire les artistes pour se maquiller et encore moins se démaquiller ?

  — Comment, où, et dans quel confort, vont-ils parvenir à se concentrer avant leurs rentrées sur scène pour affronter leur public ?

– Comment faire lors de certains spectacles, nécessitant la mobilisation de dizaines d’artistes ?

 Comment et par quel architecte professionnel, une telle « trouvaille »  a-t-elle pu être envisagée ?

-Inexistence des perches  pour le maintien des draperies, du fond, des demi-fonds, des frises, des pendrillons et surtout des projecteurs. Cela permet des techniques d’éclairages d’en haut (douches), des latéraux des deux côtés (côté cours- côté jardin) et des côtés extérieurs de la scène… Sans oublier les poursuites qui pourraient être automatiques et programmables (selon un schéma préétabli), ou manuels pour corriger les sorties inopinées du comédien des feux d’éclairage (brûlé).

Des éclairages étaient jadis « implantés » au devant de la scène (la rampe), pour des focalisations de bas en haut, mais de nouvelles techniques ont remplacé cette façon de faire, pourvu que ceux les ayant supprimés, en fussent conscients.

Perches et  cintres ont pour  finalité le maintien des draperies, des frises et des pendrillons et une meilleure maîtrise de l’éclairage.  « Douche », « Perroquets », « contre-jours», «contre-plongées», «Herses», «Rasants (Projecteurs placé au sol), « Poursuites automatiques et manuelles,  de différents angles », sont là pour donner l’effet recherché, tout en évitant d’éventuels  écarts des artistes aux champs  préétablis.

Sans ces atouts, un théâtre reste archaïque, car  offrant peu de possibilités et d’alternatives aux techniciens pendant le spectacle. Mais bien maitrisés, ils intègrent chaque spectacle et le mettent en valeur.

Les éclairages placés au sol, entre les rangées, et qui restent allumés tout au long du spectacle, auraient dus  être remplacés par de simples reflets, moins lumineux, plus discrets et donc mieux adaptés à l’effet recherché. De plus, ils devraient être placés en bouts de rangées, sans empiéter sur le passage…

Quant aux rails(Costières), qui existaient sur la scène et qui servaient aux multiples déplacements des décors lourds sur  scène, on ne comprend toujours pas le pourquoi  de leur élimination. 

Ces lacunes prouvent, si besoin est, que « le marché » ne semble pas avoir été cédé à de véritables professionnels.

Certains, spécialisés dans ce domaine  ne demandant qu’à participer à la rénovation, mais sans succès. Y a-t-il eu une quelconque  « raison » derrière leur éviction ????

Nous n’avons abordé que des lacunes et des remarques concernant la nouvelle rénovation intérieure; et ce du point de vue des hommes de théâtre. 

Énumérer  les failles nombreuses et  inadmissibles décelées par des techniciens spécialisés dans le domaine du bâtiment selon le cahier de charge (CPS) est un autre dossier  qui mérite aussi qu’on s’y arrête.

Failles inadmissibles, en rapport avec le cahier de charge

Une  première question  se pose tout de suite après lecture des chiffres : y a t-il eu étude préalable avant leur établissement ? Et si étude a été faite, l’a-t-elle été par des professionnels ? Y a t-il eu vérification des articles du CPS (description des ouvrages), par architecte et techniciens avant le lancement du marché ?

Si l’on se pose  ces questions, c’est qu’on y déniche des fautes graves. Jugez par vous même :

-Estimation des besoins en panneaux sandwichs à 950m2 pour la couverture de la salle :

-Ecran pour vapeur

-Isolation thermique…

N’est ce pas exagéré ? Le théâtre Said Afifi, en avait-il besoin d’autant de m2 ? Si oui, où ont-ils été installés ?

Et même en admettant que ce soit le cas, peut-on encore avoir besoin de 790m2 (support-étanchéité) ?

Comment peut-on encore parler d’écran vapeur, d’isolation thermique…lorsqu’on a installé des panneaux-sandwichs ?

Comment parler de 225 m2  de remblaiement (fouilles et tranchées), comme si  l’on a affaire à un édifice qu’on construit (et encore), au lieu d’une simple rénovation ?

Où ont été utilisés les 60m3 de tout- venant (cailloux en vrac) ? Ce qui représente tout de même l’équivalent de 20 camions L .Benne, à raison de 3m3 chacun ?

Où ont été réalisés les 195m2 d’ « hérissonage » (blocage- dallage et armature) dans le théâtre ? 

Pourquoi un besoin estimé à 300m2 en carrelage, alors qu’à part des toilettes qui font une dizaine de mètres à peine, aucune autre partie du théâtre n’est carrelée ?

Il y a donc, soit une surestimation en carrelage, soit en parquet : 360m2 de parquet fut établie, à raison de 110m2 pour les loges (quelles loges ?), 80m2 pour la fosse des musiciens et 170m2 pour la scène.

Notons  au passage que l’usage de parquet au lieu de bois est de nature à faire perdre un certain nombre de repères sur scènes : attrapes, rails pour le déplacement des décors lourds…

1850 m2 d’enduit pour la façade extérieur du théâtre et 1500m2 à l’intérieur. Un édifice en rénovation, qu’on retape seulement, en a-t-il besoin d’autant ? Etait –il en état de ruine, (et encore) pour  demander autant ?

L’armoire générale basse tension, AGBT, a-t-elle été réellement changée ? Si oui, où est l’ancien ?

190 linéaires de canalisation, un câblage de 1030m linéaire de section de 4 fois 10, à 4 fois 95 mm2…..

Tous ces chiffres démontrent une surestimation issue soit d’une méconnaissance totale de la part de l’architecte et des techniciens ayant veillé à l’établissement du cahier des charges, soit de la mauvaise foi de ces mêmes professionnels, dans le but de décourager certains prétendants à cette rénovation, au profit d’autres.

Et aujourd’hui, que la rénovation est terminée, peut-on y trouver tout ce qui a été notifié dans le cahier des charges (marché publique n=12 BP 2011) ?

 Pour conclure;  espérons qu’une année après son inauguration, toutes ces erreurs grossières et coûteuses soient très rapidement prises en considération. Qu’un directeur administratif et autre artistique y soient désignés et que ce théâtre (damné ?) puisse enfin jouer le rôle que tout jdidi et tout amateur des planches attend de lui.

Que  toutes les honnêtes personnes qui ont participé à cette réalisation, en donnant le meilleur d’eux mêmes pour que ce bijou architectural continue d’exister et à être la fierté d’El Jadida, soient ici remerciées.