Durant les derniers mois de l´année en cours, près d´une centaine d´enfants en détresse ont envahi la ville d’El Jadida. Une dizaine de ces derniers sont en danger moral tandis que d´autres, en nombre considérable, ont contracté des maladies graves comme les infections respiratoires et allergiques des suites de leur longue errance, mauvaise nutrition et longues nuits passées à la belle étoile dans des endroits sordides. Ces enfants peuvent être forcés de vivre dans les rues pour une multitude de raisons : pauvreté, violence domestique, mort de l’un ou des deux parents, mais dans la majorité des cas, ils sont issus de familles nombreuses rurales qui ont migré en ville.
Bref, un enfant de la rue est un enfant en rupture totale avec sa famille, dans laquelle il ne peut pas ou ne veut pas retourner. Ils survivent en fouillant les poubelles et les décharges à la recherche de nourriture, en mendiant, en volant et en commettant de petits délits. Ils reniflent de la colle et prennent des drogues et sont toujours sales. Beaucoup de filles sont forcées de se prostituer pour survivre. Ils rencontrent des dangers et des dérives qui leurs sont souvent fatals. Ils sont meurtris par les intempéries, les privations, le dénuement, les maladies, les accidents et l’indifférence. À cela s’ajoutent la précarité, la violence, les sévices sexuels, la loi du plus fort qui les exposent aux rencontres et influences les plus nuisibles. Les petites filles sont sollicitées sexuellement dès leur plus jeune âge et finissent par se prostituer. Ils vivent trop souvent dans des conditions déplorables et sont l’objet d’abus de toutes sortes.
La situation sociale de ces enfants est révélatrice du mal qui les terrasse à l´aube du troisième millénaire. Et, en l’absence de structures alternatives de couverture sociale et économique, ces enfants se trouvent sans encadrement et face à de nombreux problèmes. C’est vrai que la situation de ces enfants à El Jadida préoccupe au plus haut niveau. Mais, hormis les recommandations préventives, aucune autre mesure n´est venue comme solution palliative. Par conséquent, ces enfants de la misère occupent de plus en plus les coins et recoins de la ville, sillonnant les rues et artères, et investissant les marchés en quête de quelques pièces de monnaie pour éviter la colère de leurs bourreaux. Les marchés constituent le lieu de prédilection de ces Gavroches des temps modernes que l´on retrouve dans Les Misérables de Victor Hugo. Faire la manche est un exercice qui se généralise davantage dans une ville frappée par une déchéance sociale. Ces centaines d´enfants s´adonnent à la mendicité, à la pédophilie, au vol et au vagabondage au su et au vu de tout le monde sans qu´aucune institution n´intervienne pour les soustraire à cette situation. Tout comme les révélations de Gervaise, célèbre personnage du livre d´Emile Zola intitulé l’Assommoir, les déclarations de ces petits donnent froid au dos. Le consensus est commun: «Je suis contraint de faire ça pour survivre», répondent plusieurs enfants qui ne se sentent plus embarrassés ni gênés par le tabou de la mendicité et de l´errance. Et dire qu’il ya des institutions qui s’occupent des enfants en situation précaire. Les responsables sont appelés à agir en créant une cellule d’écoute et de suivi en vue de prendre en charge psychologiquement tous les cas jugés en détresse morale.