À cause des marchands ambulants, la ville d’El Jadida est devenue l’un des plus grand marché informel à ciel ouvert de la capitale. Ils squattent chaque coin de rue, bloquant tout accès sur les trottoirs. Au grand dam des habitants. Pourtant, les autorités avaient lancé une soi-disant grande opération d’éradication des marchés informels. Mais aujourd’hui, les marchands ambulants opèrent un retour en force et squattent les rues, les trottoirs, les places publiques. L’anarchie règne. Les autorités provinciales et locales brillent par leur absence.

 

Ces vendeurs ambulants communément appelés ” Ferrachas ” constituent à n’en point douter un véritable casse-tête chinois pour les habitants d’El Jadida. On les trouve partout, dans les quartiers dits populaires, au centre-ville, aux alentours des marchés, en fait là où se concentre la population. Non loin de la mosquée Hammou Belabbas, tout au long l’avenue Zerktouni, l’une des plus importantes artères du centre-ville d’El Jadida, les ” Ferrachas ” occupent les coins et recoins de l’avenue. Il n’est désormais plus possible à un chauffeur de voiture de passer sur la voie sans être insulté par ces squatteurs. Dans les places El Kasmi et El Hansali, les “Ferrachas ” et autres vendeurs ambulants pullulent et en toute impunité à tel point qu’on se croirait dans un souk rural. Et puis voilà que la place Mohammed V, qui avait échappé à l’expansion des  ” Ferrachas ” se trouve à son tour occupée peu à peu.

 

 

Dans les nouveaux quartiers tel que “Essalam”, un soi-disant marché avait été ouvert voici quelques temps, avec des boucheries, des épiceries et d’autres commerces. Il ne s’était pas écoulé beaucoup de temps avant que l’entrée de ce marché et la voie qui y mène ne soient envahis par les ” Ferrachas “.

Aux abords de la route menant vers Marrakech, ce sont de très nombreux ” Ferrachas ” qui se sont installés, en plus de bon nombre d’autres activités commerciales aussi variées qu’ “avariées”. Saâda, El Amal, Annasim, derb Ghallef, place El Khattabi, Bouchrite, Safa, El Barkaoui… ces différents quartiers de la ville connaissent tous cette occupation illégale du domaine public. Cela occasionne bien évidemment une gêne pour les riverains, mais aussi pour les passants, en voitures, en bus, à pied… La première question qui vient donc à l’esprit est la suivante : Jusqu’à quand durera encore ce laxisme des autorités publiques ? Laisser une personne exploiter commercialement, et illégalement, l’espace public signifie qu’avec le temps cette personne considérera cela comme un droit qui lui revient ; et alors, il sera difficile plus tard de la déloger, car à ses yeux, telle opération sera une injustice et une atteinte aux droits de l’homme. Nous ne comprenons absolument pas comment on peut laisser les Ferrachas, les marchands ambulants, les charretiers  prendre racine ici et là sans mettre fin à cette “siba”.

 

Second point à relever, le rapport des forces publiques à ce type d’activité. Ainsi, parmi les pratiques frauduleuses constatées, certains commerçants légaux louent les devantures de leurs magasins aux marchands ambulants, et ce au vu et au su des autorités. Selon les habitués des lieux, les forces de l’ordre n’interviennent pas puisqu’elles ont leur part du gâteau. Et comme exemple flagrant de la siba, dernièrement, en plein milieu de la place El Hansali, les marchands ambulants ont fait de la résistance aux forces de l’ordre et à leur tête le pacha de la ville.  Ils ont semé la pagaille en signe de protestation contre la décision leur interdire d’opérer dans cette zone. Conclusion : les ferrachas ont imposé leur diktat. Pourquoi ?

La réponse est simple : Des agents de sécurités, des moqadems et d’autres recevant leurs parts du gâteau au su et au vu de tous. Pourquoi? Ils ne gagnent de ces “tadouira” que “jouje franak” et travaillent 22 H par jour. Ainsi, nous nous sommes en effet habitués à ce phénomène, et nous n’y voyons plus aucun mal, certains allant même jusqu’à encourager ces “commerces de proximité”. Reconnaissons une bonne fois pour toutes, et loin de toutes ces considérations aussi creuses que populistes et parfaitement inutiles, que ces commerces constituent une sorte de rente au bénéfice de mafias. Pourquoi, à quel titre et de quel droit, lutter contre la rente lorsque ce sont des gens influents qui sont concernés et, dans le même temps, ignorer cette même rente, voire l’encourager? Pourquoi dit-on que le commerce informel impose ses lois et pourtant, nul n’ignore que ces “Ferrachas ” versent des “redevances” aux agents d’autorité ainsi qu’aux habitants et aux commerçants dont ils occupent les seuils des résidences et les devantures des magasins ?

C’est là une mafia, qui ne porte pas son nom, mais qui  menace notre économie et met à mal le principe du respect et de la primauté de la loi. Quel est donc ce modèle économique que nous voudrions instaurer chez nous à El Jadida, appelée jadis le Deauville Marocain ? Comment pouvons-nous prétendre combattre le sous-développement et la corruption régnant au sein des institutions publiques et/ou des élus et, en même temps, accepter, voire justifier et encourager, ailleurs, le même sous-développement et la même corruption pour le simple fait qu’il émane de classes populaires qui croulent sous le fardeau de l’existence ? Comment pouvons-nous penser aux ” Ferrachas ” et autres marchands ambulants, mais éviter de nous inquiéter pour ces commerces légaux qui, eux, face à ce phénomène, perdent leurs “pitances” et leurs pécules en raison de cette concurrence malsaine, ni pure ni parfaite ? Comment donc pouvons-nous nous permettre de considérer les plaintes incessantes des riverains et des commerces légaux comme égoïstes et arrogantes ?

 

Il est plus que temps que les autorités compétentes prennent la question avec sérieux, avant qu’il ne soit trop tard. On ne peut vouloir appliquer la loi dans différents domaines, mais qu’on laisse ce phénomène des “Ferrachas ” prospérer en dehors de toute légalité. Nous ne pouvons laisser une catégorie sociale déterminée consacrer et imposer son non-respect de la loi. Nous ne pouvons plus nous permettre d’avoir peur d’appliquer la loi, au nom d’un populisme de mauvais aloi.