Pourquoi veut-on que Mazagan perde de son charme ancestral ?

Écrit par : Hadj Abdelmajid Nejdi

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Il n'est pas nécessaire de convoquer l'histoire ou de revisiter les mémoires pour le constater. Un saut de quelques heures à Mazagan (El Jadida) vous laisse en proie à de terribles ressentiments tant «la cité adulée» a perdu de son charme ancestral. Elle a très mal grandi, très mal évolué. Elle croule sous le poids des problèmes sociaux et supporte des extensions urbanistiques sans âme et sans esprit.

«Quoi ?! Ils ont bouché la place Mohammed V pour créer une fontaine en face du théâtre ?», s’exprime le Jdidi Abdellatif qui n’a pas revu sa ville natale depuis 2009. En fait, selon d’anciens gérants de la ville, il était question de créer une place piétonne avec une fontaine devant le théâtre Mohammed Saïd Afifi. Mais ils n’ont pas pensé au problème de la fluidité du trafic dans cette zone. N'était-ce la contestation des citoyens, les responsables locaux ont commis l'irréparable erreur de priver la place de ses aisances architecturales. Paradoxe des temps, construite pour être tel un carrefour, la place a été bouchée, ce qui ne résout guère le problème de circulation routière dans le centre-ville. Ce sont alors des milliards qui ont été écrasés par « des bulldozers ». Mazagan n'est pas la seule ville de la province à revoir ses plans de construction en l'absence de schéma urbanistique précis et approprié.

Nous continuons notre randonnée avec Abdellatif  en traversant quartiers et rues pour atteindre Hay Al Matar. Le plus gros de son programme concernait la nouvelle ville de Mazagan. Une concentration de constructions étouffante, sans espaces verts et sans structures de bien-être. Ainsi, Mazagan n'a pas échappé au poids de ces hideuses cités-dortoirs qui l'ont vite ceinturée sous le prétexte de l'urgence pour pallier le problème du logement. Pour résoudre le problème du logement et pallier le manque d'assiettes foncières, les responsables locaux ont choisi de construire sous le sceau de l'urgence, ces innombrables immeubles pointant vers le haut sans en évaluer les fâcheuses conséquences sociales qu'ils peuvent couver. Ils ont ainsi érigé la ghettoïsation en un schéma d'aménagement local qui a pris en otage la santé morale et physique des populations actuelles et à venir.

De retour vers le centre-ville de Mazagan, la vue est attirée par l’hôtel Marhaba, l’ex-municipalité, l’immeuble Cohen et la Première Perception et Maison des Impôts (Dar Dariba Kdima). Construits au temps de la colonisation dans le cadre du plan de Mazagan, tombent aujourd’hui en désuétude comme tant d’autres et prennent, d'année en année, des dimensions désastreuses et destructrices.

Les gérants de Mazagan ne semblent pas s'en plaindre. Ils doivent se ficher comme leurs prédécesseurs incultes qui ont signé l’autorisation de destruction du cinéma Marhaba. «Ce jour-là, les Mazaganais ont pleuré. On n'a jamais compris pourquoi ce cinéma a-t-il été détruit ? Il était beau et réunissait un monde d'intellectuels, de poètes et d'artistes, le temps de voir un film ou d’assister à une soirée thématique et, surtout, échanger des idées émancipatrices», nous dit un enfant de la ville. C'est peut-être ces idées qu'on voulait étouffer. N'en déplaise à ceux qui veulent effacer les traces du temps, l’identité de Mazagan, et surtout sa mémoire.

Mais, qui va rendre compte de son rôle dans l'attaque menée à Mazagan depuis longtemps contre des bâtiments historiques d'une valeur exceptionnelle ? Ces bâtiments constituaient essentiellement une partie majeure du patrimoine historique de Mazagan. Ils constituaient aussi des éléments forts de la ville, de son identité, des points de repères constants et une mémoire d’une valeur inestimable. Et pourtant, ces bâtiments ont été délibérément détruits

C’est vrai, Mazagan reste silencieuse face à ces actes d'agressions. Elle doit pourtant savoir qu'elle a été rendue au silence pour qu'elle ne puisse pas avoir la force de combattre l'inculture de ceux qui veulent dompter son histoire.