Azemmour, une ville qui croule
sous le poids de l’indifférence totale
Terre des paradoxes, Azemmour, l’une des plus anciennes et des plus pittoresques villes de la côte atlantique marocaine, est troublante de beauté et ne demande qu’un peu d’intérêt et de compréhension. On ne sort pas indemne d’un voyage dans cette contrée paradisiaque. Mais les infrastructures touristiques manquent et la vie quotidienne est rythmée par l’inertie ; et le silence, qui hante ses habitants, leur pèse parfois, lorsqu’ils ne trouvent rien de distrayant, à part oued Oum Errebia et l’horizon plein de promesses.
Située à 16 km au Nord d’El Jadida et à 72 km au Sud de Casablanca, Azemmour se devise en deux parties distinctes: l’ancienne ville entourée de remparts (comprenant la Casbah et la Médina) et la nouvelle ville qui renferme des quartiers hors de l’enceinte.
À 2 km au nord d’Azemmour, il y a la magnifique plage d’El Haouzia qui est devenue, depuis la fin 2009, une destination touristique de premier ordre sur le plan international grâce à la station touristique Mazagan. Cependant, Azemmour souffre toujours de plusieurs maux. Car, elle ne tire pas encore bénéfices de cette station touristique qui peut vraiment la mettre sur les bons rails.
Et, de mémoire, jamais la ville du Saint Moulay Bouchaïb Erreddad n’aura atteint un tel niveau de clochardisation et de dégradation du cadre de vie comme ces quatre dernières années. Une sorte de fatalité s’abat depuis quelques années sur la ville à un tel point que les années passent et se ressemblent hideusement dans une “ville-dépotoir” qui croupit sous les saletés et les immondices en tous genres et s’arcboute sous le poids des vices, de la délinquance et de l’insécurité. Et cela fait belle lurette que l’on a déjà touché le fond de l’abîme, mais voilà que l’on continue de creuser encore l’écart entre elle et d’autres villes. Et c’est de l’avis de tous ceux qui ont connu Azemmour d’antan et de ceux qui ont grandi au milieu des jardins fleuris et des espaces de « Nzaha » et qui ont aujourd’hui bien du mal à reconnaître leur “haouma”. Pas tous les Azemmouris, mais ceux qui tiennent à venir se ressourcer de temps en temps parmi leurs siens, dans leur décor juvénile d’autrefois. Et ce, même pour se retrouver, l’air hagard et hébété, au milieu d’un bazar à ciel ouvert où le marché informel et le béton anarchique ont tout simplement enlaidi ce qui était considéré jadis comme un coffret à bijoux que l’on ouvre pour y faire apparaître une émeraude verdoyante. Le centre-ville, jadis colonne vertébrale et centre névralgique du tout Azemmour, a été complètement défiguré. Le Mellah ou du moins ce qu’il en reste a été complètement défoncée et dénaturée alors qu’elle aurait dû être préservée, restaurée dans les brefs délais et classée comme site historique avec tout ce qu’il comprend comme vestiges portugais et islamiques, des riads et des mosquées. Et comble de misère, ce que l’on ose appeler pompeusement la Nouvelle-Ville est, en fait, une véritable cité-dortoir sans décor ni relief, ni le moindre espace vert ou une quelconque infrastructure sportive ou culturelle. Pis encore, dans l’ancienne médina, de belles habitations menaçant ruine tombent comme des châteaux de cartes dans l’indifférence totale tandis que l’option que surviennent d’autres incidents de ce genre n’est pas à écarter tant que le problème de la réhabilitation de ce haut lieu de l’histoire d’Azemmour demeure sans solution et, de surcroît, victime des multiples renvois aux calendes grecques. Car, comme il est de coutume chez-nous, les soi-disant les grandes ambitions du programme d’urgence dédié à la réhabilitation de l’ancienne médina d’Azemmour, n’ont pas encore vu le jour. Ainsi, le problème des maisons menaçant ruine demeure toujours sans solution.
En plus, la médina d’Azemmour a connu un ‘’abandon concernant des métiers traditionnels” (des tisserands, fileuses, cordonniers, tanneurs, forgerons…).
Ceci dit, la cité d’Azemmour a vraiment toutes les potentialités pour jouer un grand rôle dans le développement du secteur touristique. Le cadre naturel enchanteur des sites touristiques (El Haouzia- Mhaïoula), des monuments historiques et la situation géographique font de cette ville un lieu prisé des touristes. Mais supposons que les touristes affluent sur Azemmour, que leur proposent donc concrètement les structures touristiques de la ville aujourd’hui? Aucune infrastructure de base! Il n’y a aucun hôtel où un touriste puisse passer quelques jours à l’exception de quelques maisons d’hôtes. Même chose pour la restauration. Car il n’existe aucun restaurant qui peut donner envie aux touristes d’apprécier un service de qualité, une cuisine de choix… Il n’y a aucun lieu de promenade dont peut profiter le visiteur et où il peut acheter quelques objets de souvenirs à part un soi-disant complexe d’artisanat où quelques téméraires artisans luttent de toutes leurs forces pour perpétuer l’art traditionnel de cette cité.
Pis encore, la ville d’Azemmour souffre d’un manque chronique de loisirs dignes de ce nom, c’est-à-dire des lieux décents et chaleureux, car à part les cafés, ultimes refuges de la majorité des visiteurs et habitants, il n’y a pas d’autres lieux où passer du temps. De là, l’intérêt et la nécessité d’imaginer de nouveaux espaces d’animation adaptés aux besoins spécifiques des visiteurs et de la population locale comme par le passé. De toute façon, La ville du Saint Moulay Bouchaïb Erreddad vit au rythme de l’anarchie, l’insalubrité, la promiscuité et le bricolage. Et tout cela est à la charge de tous les responsables et des décideurs qui ont défilé, depuis quelques années au moins, à tous les niveaux de planification, de décision et de gestion qu’ils relèvent de la Wilaya, de la Province et surtout de la commune. Fatalité, malédiction, incompétence, démission des élus ou indifférence de l’administration contre Azama. Les supputations les plus invraisemblables s’entremêlent ici et là selon les tendances politiques des uns et des autres, mais une chose est sûre, c’est que la ville du Saint Moulay Bouchaïb Erreddad a perdu de sa superbe et de sa coquetterie d’antan. Ainsi, Azemmour accuse un retard immense en matière de développement. Elle veut légitimement sa part de développement et de bien-être social et non des retouches de maquillage sur la morve.