Azemmour : Une ville riche d’histoire et de culture totalement à l’abandon

Le cadre urbain s’est nettement dégradé dans la ville d’Azemmour, à telle enseigne que cette cité, jadis qualifiée de coquette, ressemble aujourd’hui à un grand bourg mal géré, nécessitant une opération de sauvetage pour lui restituer sa vraie dimension à la mesure de son histoire et de sa vocation culturelle et touristique.

                                                                                 

Située à 16 km au nord d’El Jadida et à 72 km au sud de Casablanca, à l’embouchure de l’oued Oum Er-R’bie, la ville d’Azemmour dont le nom est lié à celui du saint patron Moulay Bouchaïb Erreddad, connaît une léthargie criante et son développement est en stand by depuis biens longtemps. Etrange phénomène qui se répète année après année à Azemmour : le temps a été laissé au temps. Le délabrement, la détérioration et l’effritement semblent être sa destinée dans la plus grande indifférence des responsables et décideurs de la ville.

Et, de mémoire, jamais la ville du Saint Moulay Bouchaïb Erreddad  n’aura atteint un tel niveau de clochardisation et de dégradation du cadre de vie. On dirait qu’une sorte de fatalité s’abattait depuis quelques années sur la ville à un tel point que les années passent et se ressemblent hideusement dans une “ville-dépotoir” qui croupit sous les saletés et les immondices en tous genres et s’arcboute sous le poids de l’indifférence, des vices, de la délinquance et de l’insécurité. Et cela fait belle lurette que l’on a déjà touché le fond de l’abîme. Et c’est de l’avis de tous ceux qui ont connu Azemmour d’antan et de ceux qui ont grandi au milieu des jardins fleuris et des espaces de « Nzaha » et qui ont aujourd’hui  bien du mal à reconnaître leur “haouma”. Pas tous les Azemmouris,  mais ceux qui tiennent à venir se ressourcer de temps en temps parmi leurs siens, dans leur décor juvénile d’autrefois. Et ce, même pour se retrouver, l’air hagard et hébété, au milieu d’un bazar à ciel ouvert où le marché informel et le béton anarchique ont tout simplement enlaidi ce qui était considéré jadis comme un coffret à bijoux que l’on ouvre pour y faire apparaître une émeraude verdoyante. Le centre-ville, jadis colonne vertébrale et centre névralgique du tout Azemmour, a été complètement défiguré. Le Mellah ou du moins ce qu’il en reste  a été complètement défoncée et dénaturée alors qu’elle aurait dû être préservée, restaurée dans les brefs délais et classée comme site historique avec tout ce qu’elle comprend comme vestiges portugais et islamiques, des riads et des mosquées. Et comble de misère, ce que l’on ose appeler pompeusement la Nouvelle-Ville est, en fait, une véritable cité-dortoir sans décor ni relief, ni le moindre espace vert ou une quelconque infrastructure sportive ou culturelle. Pis encore, l’ancienne médina d’Azemmour, dépositaire d’un passé historique millénaire, a perdu quelques atouts de son équipement socio-spatial originel. Ainsi plusieurs édifices historiques, qui constituent des bâtiments de valeur et disposant de statuts privilégiés tels que «Bordjs», «Dar El Kadi», portes de bastions, citadelle portugaise, passages couverts et des arcades, portes sont désaffectés et subissent une dégradation totale. Il en va de même pour les anciennes maisons qui ne sont plus habitées par les familles d’origines et qui sévissent parfois les effets de l’indivision des héritiers. Le processus de délabrement est général et touche tous les édifices historiques de l’ancienne médina. Par conséquent, le paysage de cette cité historique ne transmet plus de message culturel, il devient ainsi anachronique, se dégrade et se marginalise.

En plus, ce qui est choquant c’est la manière avec laquelle les travaux de restauration et de restitution de la muraille de la vieille médina et qui est connue sous le nom du mur de «  Bab Jiaf » ont été exécutés. Elle est vraiment  un véritable massacre qui ne peut arriver nulle part ailleurs. Car dans la précipitation et le désir de satisfaire certaines personnes, on a omis de prendre en compte que le monument est inscrit sur la liste indicative du classement des sites du patrimoine national.

La cité de Moulay Bouchaïb Erreddad a donc beaucoup perdu de son charme à cause d’une urbanisation effrénée et souvent irréfléchie, à laquelle vient s’ajouter l’absence d’une stratégie d’aménagement et d’entretien du bâti. Dans ce cadre, Azemmour est par conséquent à la traîne en matière de restructuration du tissu urbain par rapport aux autres villes. Ainsi, le visiteur peut tout de suite constater que la ville de Moulay Bouchaïb est l’une des villes les plus dégradés du Maroc. Et pourtant d’autres villes, qui n’étaient que de simples petites communes rurales, sont devenues au bout de quelques temps des communes urbaines importantes sur tous les plans. Par contre, Azemmour, qui possède des potentialités très importantes qui peuvent lui permettre de créer même des lieux de tourisme, se trouve au dernier plan faute de ses élus et des responsables qui continuent à appliquer la politique du « maquillage sur la morve » envers cette coquette ville. En conséquence, aucun de ses quartiers, qu’ils soient anciens ou nouveaux, n’échappe à ce constat à la fois amer et désolant pour une ville qui est en train de perdre de sa fonction de ville-modèle. Par conséquent, pas seulement les monuments historiques d’Azama qui sont en voie de disparition, mais c’est l’âme, l’histoire et le patrimoine de cette pauvre ville qui sont en voie d’esquintement au cas où on continuerait d’appliquer la politique de “œil de mica”.

Eh oui ! Azemmour, patrimoine architectural et culturel inestimable, a pu être préservé par nos ancêtres, grâce à leur savoir-faire et à leur désir de préserver ces lieux. Leur souci s’articulait essentiellement autour d’un seul objectif “perpétuer l’histoire” car un peuple qui ne vénère pas son histoire et son passé n’aura guère de racine et sa mémoire collective sera défaillante.

Ainsi, cette cité a le mérite d’être sauvegardée vu qu’elle représente aussi un livre ouvert de notre histoire glorieuse. Rappelons que feu S.M. le Roi Hassan II, lors de son discours adressé aux architectes en janvier 1986 à Marrakech, avait conseillé qu’Azemmour soit un exemple parfait du patrimoine architectural national qu’on doit préserver et qu’elle soit prise comme modèle dans la production architecturale contemporaine.

C’est vrai qu’on ne cesse de répéter qu’Azemmour est concernée par un programme d’urgence de réhabilitation. Mais en réalité, les opérations dites d’amélioration urbaine (réfection des trottoirs) qui ont été lancées dernièrement n’ont été en fait que «du replâtrage» et demeurent dérisoires compte tenu de l’ampleur de la dégradation du cadre de vie. Par conséquent, de quelque grandeur que soient les opérations d’aménagement urbain que mènent les autorités, elles ne serviront que de décor dans un milieu constamment exposé au danger et dont de nombreux commerces et habitations sont dégradés. « Le vrai aménagement urbain devrait consister à trouver une solution à ces quartiers qui enlaidissent la ville. Il faut commencer par sauvegarder l’âme de l’ancienne ville. Refaire les trottoirs dans un environnement pareil ne sert à rien. Voilà pourquoi les citoyens qui y habitent semblent ne plus faire confiance aux autorités et aux élus à cause des promesses jamais tenues», commente un habitant de la ville.

La sauvegarde d’Azama et sa requalification urbaine nécessiterait, selon nos sources, un investissement de plus de 35 millions de DH afin d’éradiquer les constructions menaçant ruine et réhabiliter les édifices présentant un intérêt architectural.

Mais cette requalification devra être intelligente et bien étudiée afin que cette magique cité ne soit pas livrée à une spéculation hasardeuse qu’un certain lobby essaie d’imposer par n’importe quel moyen.

En plus, ce n’est pas par la politique de l’autruche, que les gérants de la Wilaya, de la province et de la ville ont appliqué dernièrement, qu’Azemmour va occuper la place qui lui sied car on ne pourra guère cacher la réalité des faits alarmants : pauvreté extrême, analphabétisme, criminalité, chômage, prostitution et déchéance totale sur tous les niveaux.

Responsabilités

Depuis le début du siècle dernier, différents dahirs et arrêtés relatifs à la protection de ce patrimoine ont été publiés au Bulletin officiel dont notamment: le Dahir du 9 novembre 1927(B.O n° 790 du 17 novembre 1927 .P 719) et le Dahir du 25 mars 1929(B.O n° 864 du 14 mai 1929.P1298).

Il est important de rappeler cette loi aux responsables de la Wilaya et de la province ainsi qu’aux décideurs de la ville qui sont tenus pour responsables devant la loi de toute détérioration d’un patrimoine culturel classé et qu’ils sont tenus à le protéger et à le restaurer. Ils sont aussi appelés à redoubler d’efforts pour sauver les monuments en ruine et les exploiter dans des activités économiques, sociales et culturelles et à prendre toutes les mesures nécessaires pour classer cette ville en tant que patrimoine universel de l’humanité.