« La rentrée avec un accueil exclamatif « Vous êtes privilégiés de passer l’été dans cette séduisante El Jadida et dans sa grande et belle région » fait d’habitude se rengorger de contentement, mais ces dernières années, et cette fois, c’est holà ! L’impression est plutôt un sentiment à la fois de tristesse et de colère, l’impression agaçante de vivre les effets pervers de tout un ensemble qui devrait être beau et positif.

Refaisons le parcours, venons de Casablanca, non pas par l’autoroute ; efficace mais qui ne borde pas les vrais paysages… et suivons la route côtière. Elle continue, en vérité, l’extension de constructions de la gigantesque agglomération en une série ; urbanisation sauvage. En réalité, c’est une expression antinomique : « urbanisation » évoque civilisation, goût, cohérence et style. 

« Sauvage » renvoie à vitalité, puissance, espace, beauté naturelle. Accoler les deux mots, rassemblent le débridé de l’une et l’anarchie de l’autre. Il y avait forêts, fermes, végétations, immense façade maritime, plages et sable. Même le sable est ravagé de manière prédatrice, et ainsi jusqu’à Azemmour.

Une bande entre route et mer avec ce qui était petites stations villageoises, élevage, près et océan… et ainsi de suite traversant des petits cours d’eau jusqu’à l’orée de Azemmour. Au débouché, s’offre la belle façade des remparts donnant sur le beau fleuve. Azemmour est là, derrière ses murs enfermée et protégée « qui pourrait d’ailleurs être classée patrimoine de l’UNESCO ».

Azemmour qui a voulu  longtemps rester dans son quant à soi d’ancienne citadinité jusqu’à l’isolement de son territoire environnant considéré comme « bédouin ». Mais sa séduction a survécu, sauf que la croissance extra muros, vitalité nécessaire, n’a pas suivi la même séduction. On a construit plus, c’est tout. Toujours des faits pervers positivement nécessaires, il y a bien sûr une plage qui n’a pas profité de sa nouveauté pour se faire une moderne beauté. Sur la rive gauche, il y avait ces Hespérides  de « Mhiwla » vergées qui charmaient le visiteur. Qu’en est-il maintenant ? (Où est la vallée heureuse de Meknès ?).

A travers une route, tout en verdure pinède du côté de la mer « petite forêt » du côté de la route nationale, entre route nationale et mer, c’était une entrée belle, verdoyante, ombreuse, beau corridor d’El Jadida. Mais, effets pervers, il faut aujourd’hui passer par de larges plaques desséchées, d’un côté par effraction écologique de la « petite forêt », poumons et écrin avant la ville et de l’autre par des espaces dénudés, tout ce qui était domaine fermier d’un ancien pénitentiaire de mauvaise mémoire (les Jdidis se souviennent des tragiques youyous  à l’aube où l’on fusillait les martyrs). Si ces émotions n’ont pas été oubliées, le milieu naturel aujourd’hui est dénudé et ne murmure-t-on pas qu’ « ils » attendent une occasion pour faire un lotissement.

On n’entrera pas dans la ville sans apercevoir les ruines de « Madinat Al Moujahidine ». Cela veut dire que le Sultan Sidi Med Ben Abdellah a campé ici avec son armée pour libérer la ville. L’esprit, plein de ces évocations, on avance plein d’orgueil et d’histoire. L’histoire continue, savons-nous que cette cité constituait un séjour fréquent et régulier de nos souverains de l’éclatante trilogie : My Lhassane, Sidi Mohamed Ben Youssef, Hassan II, et le Roi régnant Mohamed VI. 

On doit se souvenir des photos de Sidi Mohamed sur cette plage qu’on appelait « Plage de Mazagan ». On se souvient encore des scènes de Med V parcourant la ville dans sa voiture en visitant  une école dans telle rue (ma rue). Continuons par la côte et dépassons Sidi Bouzid, de récente création, et qui a vu une formidable croissance jusqu’au grand Moussem de My Abdellah. Immense Moussem, le plus grand du Maroc, évoquant les « Mahalla » de l’ancien temps.

D’ailleurs, les « Mahalla » s’y rassemblaient avec ferveur et bénédiction avant de partir sur les chemins des Sultans (d’ailleurs, l’histoire actuelle, les mêmes rassemblements des contingents Doukkalis de la Marche Verte se rassemblaient à My Abdellah avant de s’ébranler vers la libération du Sahara).

Continuons toujours vers le sud et par la côte, d’une autre façon, l’esprit de chevalerie et l’amour du cheval, a été continué par le Salon du Cheval qui se tient annuellement à El Jadida. Mais, il faut, pour  la réussite de l’ancien Moussem – à travers les âges- que des choses soient faites pour éviter la décrépitude pour qu’il garde sa somptueuse image.

On continuera par Jorf Al Asfar  et son paysage de science-fiction, qui par son étendue, son aspect futuriste et ses grandes installations, le plus grand port d’Afrique et qui doit le rester.

On poursuivra toujours par la côte, en passant par toutes les criques, les plages, les lagunes du côté de la mer et du côté de l’intérieur par ce qui reste ou ne reste pas d’anciennes fermes et d’anciennes exploitations qui accompagnaient la route par une enveloppe de verdure.

Et nous arrivons à Oualidia, site unique, falaises et lagunes, siège d’une villégiature royale… Là, Sidi Med Ben Youssef avait sa capitale d’été et y passait tous les aoûts. Son palais était à ce moment-là, le pôle où s’animaient la Cour, les grands Caïds, les personnalités… qui était à un moment où Doukkala rassemblait tout le Maroc. Peut-on dire, aujourd’hui, que Oualidia a gardé cette brillante et élégante apparence ?

Revenons à El Jadida par l’intérieur des terres sans trop développer, sait-on que l’on va y trouver « Zaouias », écoles anciennes, « kasbahs » et richesses de la terre. On en reparlera.

Rentrons à El Jadida, après être passé par Sidi Bennour, le plus grand souk du Maroc, et penser à faire attention que « le mieux peut être ennemi du bien », si on ne réussit pas sa mutation en siège de Province.

Rentrons à El Jadida, et arrivons à l’ancien « centre », architecture ordonnée, avenues bien dessinées, à vénérables palmiers… est lieu de mémoires. Avec ces images en tête, on se trouve dans une atmosphère où cette ancienne belle apparence est voilée par l’esprit de foire (fumée des grillades, maïs grillés ou bouillés, figues de barbarie, charrettes de tous autres fruits…chose, normalement, éléments de fête, mais qui sont présentés dans l’anarchie et pourquoi ne pas le dire une totale désinvolture. Cette désinvolture que l’on retrouve sur la plage qui était une des plus belles baies du Maroc, devant les marches du théâtre. Et les moments qui faisaient distinction et élégance. Faut-il remarquer qu’il y a à côté de cet ensemble central une petite rue sale et minable qui porte le nom de « Omar Ibn Al Khattab ». A-t-on oublié que le Roi Hassan II, qui connaissait la ville et le pays, avait dans son temps loué l’aspect des gens de la région et que la dernière fête de la jeunesse de son règne s’est passée à El Jadida et que c’était une des belles et splendides journées de son règne.

A-t-on oublié que la première sortie au Maroc en Provinces du Roi Med VI alors jeune prince héritier fut pour El Jadida où il fit un séjour remarqué. A-t-on oublié, a-t-on oublié, a-t-on oublié ? C’est aussi cela qui donne l’impression de gens qui, devenues pessimistes, parlent avec tristesse de leur ville. Pour eux, El Jadida a été perdue par toute une chaine de négligence, la dignité de leur cité, la réputation de leur région dont même le nom a disparu.

Est-il devenu impudique de parler des « DOUKKALA », et n’est-il pas légitime de vouloir sa résurrection ? Et reprochera-t-on à ses fils de ne pas oublier qu’ils étaient de nobles fils de cette terre et qu’ils veulent avoir l’honneur de retrouver un prestige et qu’ils sont plein d’espérance. ».