Cela fait belle lurette que l’on a déjà touché le fond de l’abîme. Et voilà que « des extra-terrestres se sont éjectés de leur soucoupe volante pour se trouver déboussolés sur la terre d’El Jadida. Et comme ils avaient faim, ils ont commencé à grignoter ça et là. Mais à force de grignoter sans attirer l’attention, ils avaient de nature une faim du loup et ont, avec leurs tentacules, tout bouffé en conjuguant sataniquement le verbe ‘’manger’’ ». C’est ce que constatent tous les anciens mazaganais qui ont grandi au milieu des jardins fleuris, des courts de tennis, de la plage et du théâtre et qui, de retour à leur ville natale, ont bien du mal à reconnaître leur “ Deauville Marocain ” comme ils aiment bien la marteler. Ils n’ont plus de repères pour se ressourcer, dans le décor juvénile d’autrefois, parmi leurs siens, pour se retrouver, l’air hagard et hébété, au milieu d’un bazar à ciel ouvert où le marché informel et le béton anarchique ont tout simplement enlaidi ce qui était considéré jadis comme la Deauville Marocaine.Allez voir l’état piteux de la cité portugaise qui, chaque jour, se voit amocher par des constructions anarchiques qui poussent comme des champignons!
Les places El Khattabi, Allal El Kasmi, Sidi Mohammed Ben Abdellah, El Hansali et Mohammed V, jadis colonne vertébrale et centre névralgique du tout El Jadida, ont été complètement défigurées. La Vieille Ville- ou du moins ce qu’il en reste – a été complètement dénaturée, alors qu’elle aurait dû être préservée, restaurée et classée comme site historique avec tout ce qu’elle comprend comme vestiges. Et comble de misère, ce que l’on ose appeler pompeusement la Nouvelle Ville est, en fait, une véritable cité-dortoir sans décor ni relief, ni le moindre espace vert ou une quelconque infrastructure sportive ou culturelle, et ce, à la charge de tous les responsables et des décideurs à tous les niveaux de planification, de décision et de gestion qu’ils relèvent de la région, de la province et surtout de la commune.
Les cabines de la plage qui ont donné tant d’évasion et de rêve aux nombreux estivants de la région sont en ruines depuis des décennies à tel point qu’on les a honteusement emmurés, les jardins publics du centre-ville constituent de véritables repaires pour les délinquants et les receleurs en tous genres, l’hôtel Marhaba, le Café Soleil, le Café Al Mouhite, le Groupement Culturel ou encore la Maison des Jeunes El Breija qui servaient eux de repères pour les Jdidis appartiennent désormais à un passé lointain et révolu alors que la fameuse place El Kasmi n’a plus rien de paisible tant les vendeurs à la sauvette et les voleurs à la tire sont légion. On espérait qu’un grand chantier de rénovation de la ville soit entamé mais les Jdidis devraient prendre leur mal en patience jusqu’à l’éternité. Car, à chaque fois, on leur dit « Soyez patients, tout est pratiquement à refaire, les trottoirs, la chaussée et surtout les espaces verts », mais ce n’est que du baratin tandis que la mafia de l’immobilier prospère.
Le plus grand mal de la cité réside encore dans le ramassage des ordures ménagères et le nettoyage de la voie publique qui sont loin d’être parfaits. Hormis le plateau et plus particulièrement autour de la province, et du…, les quartiers de la vieille ville, ceux de la Nouvelle Ville et les différents lotissements de la ville sont carrément mis aux oubliettes en matière de nettoyage et d’embellissement. À défaut de gérer une cité pour laquelle ils ont pourtant été chaleureusement adoptés, les nombreux élus communaux se cherchent encore depuis le verdict des urnes et jouent au “pousse-toi que je m’y mette !” en multipliant les motions de défiance selon l’humeur et les intérêts des uns et des autres.
Fatalité, malédiction, « mutisme maquillé » des organismes de protection de l’environnement, démission des élus, incompétence de l’administration ou échec programmé, les supputations les plus invraisemblables s’entremêlent ici et là, mais une chose est sûre, c’est que le Deauville Marocain a perdu de sa superbe et de sa coquetterie d’antan.
N’est-ce pas que la ville d’El Jadida, tout comme le reste de la province, ont le droit de sortir de leur léthargie et de leur sous-développement pour se mettre au diapason des nombreuses autres provinces qui ont connu une véritable mue et un tout autre visage ces dernières années ?
C’est dire qu’avec toute l’embellie financière que connaît le pays depuis quelques années, la population d’El Jadida a logiquement droit à sa part de développement, d’emploi, d’éducation, de sécurité et de bien-être social. C’est certainement l’occasion ou jamais d’amorcer le décollage tant attendu pour une province qui a réellement besoin d’un véritable “Plan Marshall” pour sortir de son misérabilisme et de cette ghettoïsation dans laquelle on a voulu l’enfermer.