La pêche à la ligne :

Un passe-temps pendant le Ramadan

Pendant ce mois sacré du Ramadan,la pêche à la ligne retrouve peu à peu ses lettres de noblesse dans le littoral des Doukkala. Une tendance visible notamment sur le site panoramique appelé « El Moune », un lieu de délassement et de détente par excellence après une journée de canicule.

                                                                             

Des dizaines et des dizaines de jeunes et de moins jeunes se donnent rendez-vous chaque fin d’après-midi dans ce lieu pour une partie de pêche à la ligne. Installés en contrebas de la bordigue du mur de garde, ils offrent un beau spectacle de sérénité et de divertissement pour les nombreuses personnes qui ont investi la ville et ses sites superbes. Dans cette ambiance festive et bon enfant, les plus jeunes n’arrêtent pas de taquiner les « vétérans » de la pêche au moment de la prise d’un gros poisson.

Et, si pour les uns, la pêche à la ligne n’est qu’une occupation qui agrémente leur temps pendant le Ramadan , pour ses fervents amateurs, en revanche, passer des heures entières assis sur un rocher, rien que pour le plaisir d’éprouver la combativité d’un mérou ou de délier les tentacules d’un loup accroché à l’hameçon, est une passion qui les appâte à longueur de l’année.

«Cela fait plus de trente ans que je suis prisonnier de la passion de la pêche. Il m’arrive même d’oublier carrément que je suis un père de famille. D’ailleurs, à cause de cette canne, j’ai failli, à plusieurs reprises, laisser ma vie bêtement.», confesse Ba jilali.

En effet, la fièvre «pêcheuse» gagne, en ce mois sacré du Ramadan, beaucoup de nouvelles victimes qui se laissent facilement harponner par ce mal nécessaire qui leur procure paix et sérénité d’esprit.

«À vrai dire, je n’ai pas une place fixe ou un endroit particulièrement propice pour m’adonner à la pêche. Car, le poisson «mord» dans les eaux de toute la côte des Doukkala surtout entre Sidi Bouzid et Oualidia. Toutefois, ces dernières années, on assiste malheureusement à une diminution inquiétante de la faune marine. Lequel phénomène se détecte aisément à travers les maigres prises que les pêcheurs  remontent à la surface. Mais comme je suis professionnel dans le domaine, je n’ai pas de souci…», rétorque Ba jilali, rencontré sur les rochers de la côte de la commune de Moulay Abdellah Amghar. «J’étais amoureux de cette rive depuis ma tendre enfance et j’en suis encore fasciné à mes 80 ans. Cela dit, Moulay Abdellah Amghar est non seulement un site de pêche merveilleux, il est aussi chargé de souvenirs qui me rappellent l’époque où mon défunt père m’initiait moi et mon frère Si Hocine à sa passion en nous transmettant les secrets qui peuvent hisser un débutant au rang de véritable mordu de la pêche», se souvient Ba jilali.

Comme Ba jilali, beaucoup de  passionnés de pêche se donnent rendez-vous, à partir des dix derniers jours du mois de Juin, sur la côte entre Sidi Bouzid et Oualidia pour amorcer une liaison avec la grande bleue. «Au contraire des estivants, la haute saison commence pour nous, justement vers la fin du mois d’Août. Elle s’étale pratiquement sur trois mois, voire plus. Durant toute cette période, où les daurades, mulets, sars à tête noire, girelles, rascasses, murènes, et rougets de sable et de roche foisonnent, nous prolongeons nos plaisirs de pêcher jusqu’aux premières lueurs de l’aube. Car c’est au crépuscule que le poisson s’alimente. Alors, pour avoir une chance que nos lignes de fond puissent remonter une belle et grosse pièce, il faut affronter le froid de la nuit, car, c’est en optant pour la pêche nocturne qu’on est le mieux servi par la mer», confie Mohammed Simo El Ghazouani, un pêcheur professionnel qui amorce souvent sa ligne tout près de Ouled Ghanem, Mrayzika ou Sidi Âbed. «Cependant, en pleine lune ou lorsque la mer est calme, il est inutile d’attendre que le poisson mord», prévient-il. Avant que son acolyte de pêche, Si Hocine, renchérisse : «même cas ou presque quand les vents soufflent du Nord. Et pour cause, se propulsant de nature à contre courant, le poisson se dirige automatiquement vers le large. C’est-à-dire loin des hameçons».

Pour avoir la main, plutôt le moulinet heureux, il faut attendre, selon toujours notre dernier interlocuteur, «des vents favorables. Les vents d’Ouest ou d’Est maintiennent plusieurs espèces d’animaux marins auprès du rivage. Ce qui est sans déplaire à nous autres les pêcheurs. Néanmoins, dès que la mer se déchaîne, ce n’est pas la peine d’espérer qu’elle soit, en ces moments de colère, généreuse. Car, mis à part quelques mérous et murènes pris au dépourvu par la petite sardine que nous utilisons comme appât, rares sont les espèces qui usent de leurs nageoires». En plus de ces conseils qui balisent en quelque sorte le terrain au parfait pêcheur, il faut ajouter d’autres précautions et astuces devant lui garantir de bien ferrer sa prise. «La nuit, en des heures précises, du coucher du soleil jusqu’à 22h, ou à partir de 3h du matin à l’aube, nous utilisons les vers de sable pour amorcer. Cela dit, phosphorescents de nature, ils attirent de belles pièces», révèle Mohammed Simo El Ghazouani. Avant d’enchaîner «que ce soit la nuit ou le jour, les adeptes de la pêche à la ligne auront toujours, sur l’un des sites, entre Sidi Bouzid et Oualidia, des personnes plus expérimentées sur qui on peut compter pour brandir un congre ou une dorade comme trophée. Croyez-moi, j’ai eu tous les secrets de la pêche grâce à des vétérans tels que feu Ba Smaïl, feu Ba Khachchane, feu Si Ali El Ghalmi, feu Si Ahmed Dadda Mammasse, feu Si Ahmed Hassani et feu Ba Abdellah Chiguer. Mais je ne suis arrivé au top niveau que grâce aux conseils de Ba Jilali et Si Hocine Ouled Amer». Ainsi et à en croire ce dernier, la tradition veut qu’un pêcheur ne lâche jamais un autre. Car, même si leur passion commune exige de chacun d’eux un certain isolement, il n’en demeure pas moins que leur solitude trouve, à travers les quelques mots qu’ils s’échangent de temps à autre, toute l’énergie et toute la volonté de persévérer encore et toujours dans la voie que la mer leur a tracée.

De retour de Mrayzika vers El Jadida, avant l’heure du Ftour, nous avons assisté à une engueulade entre deux pêcheurs, un jeune et un vieux. « Hé!Écoute Papi, je crois qu’il faudra davantage plomber la ligne  pour équiper correctement le flotteur. Tu vois mon vieux, tu ne peux pas tromper un poisson de cette façon! ».

«Ce n’est pas un bambin qui va m’apprendre à pêcher. La pêche, mon chouchou, est une technique qui consiste à capturer des poissons ou des crustacés dans leur milieu naturel. La pêche peut se pratiquer en mer, dans une rivière … La pêche nécessite des accessoires de pêche : des appâts vivants, une canne à pêche, un filet… Pratiquer la pêche peut être tout simplement un loisir ou une activité professionnelle. La pêche est une pratique très diversifiée : La pêche au posé ou pêche à la ligne flottante, la pêche au coup, la pêche à la fouette ou à la volante, la pêche au lancé léger  et la pêche à la cuillère. Il vaut mieux pour toi de te contenter de pêcher la “chevrette” ou les “petits mulets”, c’est toujours mieux que de rentrer bredouille », lance le vieux, supposé chevronné, et qui n’en démord pas et ne désespère pas de réaliser une prise importante qui puisse laver l’affront ainsi subi par la faute de ce « garnement-pêcheur».

La pêche et la pollution

Sur le littoral des Doukkala, la pêche à la ligne semble encore avoir de beaux jours devant elle. Toutefois, si par malheur, la pollution qui frappe, par exemple de plein fouet la côte entre Sidi Bouzid et Oualidia ou s’étend le long du littoral des Doukkala, c’est non seulement l’espoir des pêcheurs qui serait fauché, mais grave encore, l’existence même de la faune marine qui sera malheureusement menacée.