Elle est bien révolue, a-t-on constaté de visu, la période où les vrais nécessiteux dignes de la charité demandaient l’aumône avec une voix inaudible et tremblotante ou tendaient la main avec humilité et gêne pour demander juste un bout de nourriture. Les temps ont vraiment changé, hélas. La mendicité new-look se conjugue désormais à une course effrénée aux seules pièces de monnaie de 1, 2, 5 ou 10 DH, peu importe, du moment que la finalité est la collecte du maximum de gain. Les demandeurs d’aumône quémandent carrément des « liquidités » pour soi-disant « acheter des médicaments ».
C’est là l’unique leitmotiv qui revient sur les lèvres de ces nuées de mendiants qui se plantent sur les perrons des mosquées au moment des prières. Des énergumènes emmitouflés dans des « foukias » en lambeaux et des accoutrements dépenaillés ou des femmes avec des djellabas en loques, prenant soin de voiler à dessein leurs visages, vous exhibent une feuille d’ordonnance où étalent ostensiblement leurs infirmités physiques pour amadouer les âmes charitables. Cette imposture sert tout aussi de paravent à la collecte, en fin de journée, d’une recette souvent substantielle. Certaines affirmations donnent à croire qu’un mendiant arrive, au pire, à glaner 1 000 à 2 000 DH en faisant la manche.
En tous les cas, une chose est sûre : les vrais faux mendiants, au-delà certes du basculement de pans considérables de personnes dans la misère et la pauvreté, prolifèrent un peu partout. Et pour cause, il a été vérifié et prouvé, sauf en de très rares cas, qu’un pseudo-mendiant ne s’adonne pas à la mendicité dans la localité où il réside, de peur d’être démasqué. De ce fait, il préfère bourlinguer d’une région à une autre pour continuer à se la couler douce.
Des jeunes filles, à peines nubiles, et des jeunes respirant la bonne santé tendant la main, des enfants en bas âge étalés à même le sol et des quidams aux mines patibulaires qui vous accostent devant les guichets automatiques des banques, la poste, des mosquées, dans les cafés, au marché, sur les principaux boulevards ou à l’entrée d’une pharmacie. Décidément la mendicité se professionnalise et est devenue une véritable sinécure pour bon nombre de faux mendiants. Car les autorités ne se mobilisent pas pour lutter contre ce fléau et surtout la mendicité forcée des enfants.