Et si la maison Brudo, le consulat de Hollande, les vasques du jardin Abdelkrim El Khattabi, les escaliers de l’hôtel Marhaba, Forafric, les cabines de la plage, l’hôtel Beaulieu, le centre d’estivage, le casino, le cinéma Paris (Dufour), cinéma Rif (Métropole) , cinéma Marhaba et autres fastes des temps n’étaient que l’arbre qui cache les forêt ? Ces grands gestes architecturaux ne sont-ils pas censés mettre un point d’orgue à l’apothéose d’une ville en question ?
Pis encore, des quartiers ont été rayés de la carte, vidés de ces habitants et commerçants,. Sans oublier ces rues anciennes défigurées par les constructions incongrues, transformées en décor de théâtre par une dérive sournoise du concept de patrimoine : El Jadida périt, dans l’ombre, sacrifiée sur l’autel du profit et de la médiocrité. Ainsi, la ville à été livrée aux mains des promoteurs, ces nouveaux seigneurs du béton.
El Jadida est en train de perdre son identité architecturale face à la montée en flèche de la nouvelle vague d’habitation. La situation architecturale est catastrophique. La ville est devenue méconnaissable marquée par l’abandon de son cachet authentique.
Les Jdidis s’inquiètent du sort de la maison « Riquita ». Ce chef-d’œuvre a été cédé dernièrement à un promoteur immobilier qui veut la démolir pour ériger un immeuble. Il est indéniable que ce chef- d’œuvre qui date des années 1920, soit démoli pour être remplacé par un immeuble hideux et sans âme.
Les habitants sont lassés d’assister à la destruction et de la déchéance programmées du patrimoine historique de la ville. Ce qui est malheureux c’est qu’on s’ingénie à dénaturer la ville de son patrimoine. La municipalité semble trouver un malin plaisir à exécuter un véritable travail de sape contre ce qui fait le charme de la ville.
Ce qui est malheureux aussi c’est que ni les élus, ni l’autorité locale n’ont réellement pas intériorisés l’importance du patrimoine ainsi que sa valeur identitaire et commerciale. Il semble que le patrimoine n’est pas au centre de leurs préoccupations. Ainsi, à chaque changement d’un nouveau conseil municipal ou de nomination d’un gouverneur, un regain de confiance et d’espoir s’installe puis s’éparpille et se forme sans aucune prise de position. Par conséquent, les citoyens sont choqués devant cet acte barbare par lequel on s’acharne sur le patrimoine.
Cet acte nourrit les discussions des riverains du quartier de la rue du 20 Août qui manifestent, spontanément et dans le même élan, leur indignation face à l’agression caractérisée d’une icône de la ville. Pourquoi la municipalité octroie des permis de démolition des riads et des maisons d’une grande valeur historique selon la faveur de transformation et les goûts de l’acquéreur ?
Quand comprendra-t-on qu’à force de laisser les promoteurs immobiliers démolir les témoins de l’histoire de la ville et construire n’importe quoi, n’importe où, nous finirons par tuer la poule aux œufs d’or qui constitue notre patrimoine ? Démolir et raser les chefs-d’œuvre architecturaux ne signifie pas détruire l’originalité et le charme qui fait l’attrait de notre ville ? Qu’aurons- nous laisser à nos enfants ?
Une fièvre destructrice s’abat sur la ville
Eh oui !! Différents aspects importants de l’identité patrimoniale de la ville El Jadida ont disparus ou vont disparaître. Les Jdidis sont consternés face à cette fièvre destructrice qui s’abat sur la ville. Une hémorragie qui intervient régulièrement à des moments très précis. Ce qui démontre la mauvaise foi des promoteurs qui défient même les recommandations gouvernementales et ne donnent aucune importance à la préservation d’un patrimoine reconnu comme exceptionnel. Ainsi, la cadence des démolitions se poursuit.
Nous ne sommes absolument pas contre l’évolution de la ville. El Jadida est une ville pleine d’énergie et c’est le lieu de création de la valeur par excellence. Mais il faut juste valoriser le patrimoine de la ville, le rentabiliser et le rendre économiquement viable. Pour ce faire, on peut restaurer, transformer, surélever… comme l’ont, d’ailleurs, réalisé plusieurs institutions. Mais il faut absolument préserver les paramètres qui font l’identité de la ville, particulièrement les façades, et en faire des éléments au service du développement au lieu de détruire notre propre histoire.
Car, il ne faut pas oublier que capitaliser sur le patrimoine architectural pour promouvoir une destination touristique peut être un atout considérable pour le développement de la ville, au vu des nouvelles formes de tourisme qui se déploient de par le monde. La ville de Miami en est un exemple. Elle a ainsi pu mettre en valeur son «Art-Déco District» et en faire une destination mondiale. Pourtant, El Jadida abrite l’une des concentrations les plus importantes au monde des courants architecturaux sans commune mesure avec d’autres villes.
Et en parlant de la promotion touristique de la ville, certaines personnes rêvent d’effacer de la mémoire et du patrimoine l’hôtellerie de plein air d’El Jadida en s’ingéniant à dénaturer la ville de son Camping Caravaning International, le seul rescapé, pour ériger des immeubles.
Construit au tout début des années 70, le Camping Caravaning International d’El Jadida, qui s’étend sur un peu plus de 3 hectares, a été classé international depuis 1979, de même qu’il a été le seul camping au Maroc qui a décroché une attestation de mérite du ministère du Tourisme datée de l’année 1988.
Le Camping Caravaning International d’El Jadida est l’un des fleurons de la ville qui a survécu jusque-là. Et ce grâce au savoir-faire de son locataire qui a su comment, depuis les années 70, en faire un lieu touristique pas seulement local mais qui s’inscrit dans un parcours touristique que l’on veut développer.
C’est vrai que «le camping de la ville est calme et bien tenu», est-il écrit dans le guide du Routard du Maroc (depuis 2004 et jusqu’à 2017). Mais il ne faut pas oublier que le locataire en avait fait un axe fort de son programme d’embellissement. Et après mûre réflexion pour restaurer, embellir et donner du sens à ce « magnifique joyau », le projet a pris forme. La restauration nécessitera une importante restauration des maçonneries mais aussi, dans un second temps, un programme d’aménagement et d’accessibilité.
Les travaux devraient commencer depuis 2014, pour une durée de trois ans. Budget total : 2,5 MDH, financés par le locataire. Avec comme objectif, d’en faire un lieu touristique pas seulement local mais qui s’inscrirait dans un parcours touristique que l’on veut développer. Mais qui s’oppose contre le projet de restructuration et de rénovation de ce « joyau » patrimonial afin d’inscrire ce projet dans une démarche de tourisme accessible au plus grand nombre par le respect des prescriptions nécessaires ? Cette institution touristique n’a-t-elle pas le droit d’être une pièce maîtresse de l’économie locale et de l’attractivité de la Commune de manière directe et indirecte? Cette nécessaire cure de jouvence ne va-t-elle pas permettre au camping de peser dans le choix des touristes ?
D’autre part, lors de la session d’Avril 2005, le conseil municipal a approuvé la décision de la cession définitive du camping à son locataire. Son acquéreur, qui le louait depuis 1978-1979, l’avait rénové après les inondations qu’a connues El Jadida en 1998. Et après cette décision de cession définitive, l’acquéreur doit s’engager à promouvoir le camping à le mettre à niveau globalement et à le hisser au rang des meilleurs campings du monde tout en le conservant dans sa zone actuelle. Et ce, dans le cadre de la mise à niveau de la ville d’El Jadida. Mais il semble que certains cherchent à priver El Jadida de ce patrimoine historique qui a connu la visite de plusieurs hautes personnalités et à leur tête SM le Roi Mohammed VI, que Dieu L’assiste, en 1973 quand il était Prince Héritier.
Le Camping Caravaning International d’El Jadida est un défi patrimonial touristique de taille. Car ce « joyau » historique est l’un des sites les plus anciens de la ville, qui peut être un point fort touristique du secteur et qui peut être en complémentarité de son offre touristique avec celle des autres destinations de la région tels que le Golf Royal et Mazagan Beach Resort dans le but de renforcer le produit Doukkali sur les marchés extérieurs.
Monsieur le gouverneur, El Jadida mérite de recevoir d’avantage d’intérêt pour lui restituer son lustre d’antan et son aura qui en faisaient à la fois un carrefour de la culture et une ville dédiée au tourisme et à l’industrie.
Les autorités provinciales et locales doivent, plus que jamais, réfléchir à une meilleure gestion du patrimoine bâti. Les solutions sont nombreuses et la mémoire collective devrait faire partie intégrante des projets visant à doter les villes d’El Jadida de nouveaux équipements.
Arrêtons le massacre des architectures ! C’est un véritable cri d’alarme que nous lançons pour la sauvegarde du patrimoine architectural d’El Jadida.