En initiant une Journée d’étude sur la protection du Patrimoine Culturel de la région des Doukkala sous le thème “Le Patrimoine Culturel et les enjeux du développement territorial”, l’Association des Doukkala ouvre grandement les portes d’un sujet considéré comme “tabou” et qui fait  couler beaucoup d’encre ces derniers temps tout en soulevant des vagues d’indignations partout dans les milieux Doukkalis et plus particulièrement au niveau de la ville d’El Jadida, d’Azemmour et de la commune de Moulay Abdallah.

Selon nos informations, cet événement qui soulagera certainement nombre d’intéressés est prévu dans les prochains jours et s’organisera en collaboration avec la Direction provinciale de la culture et de la communication.

Ainsi donc, une lueur d’espoir vient de naître et une oreille attentive vient de capter les messages que ne cessent de lancer toutes les personnes avisées et qui suivent de près ou de loin la continuelle dégradation de cet héritage collectif.

Des messages qui vont au delà des alertes pour se présenter en véritables et tangibles appels de détresse qui convergent tous vers un seul et unique mot d’ordre “le patrimoine culturel de Doukkala est en péril”. Tout un héritage collectif qui compte parmi les plus anciens et les plus riches du pays est en voie de perdition sans le moindre égard envers son importance ni la plus infime considération envers ses diverses et multiples charges symboliques.

Face à cette situation aussi choquante qu’inadmissible, jamais les voix des Jdidis n’ont été aussi unanimes pour dénoncer en toute légitimité  cet état de fait qui prend des ampleurs catastrophiques et des allures de préméditations de la part des responsables aussi bien politiques qu’administratifs.

Certes, El Jadida de nos jours est en pleine phase d’une profonde mutation aussi bien urbaine que sociologique. Certes, El Jadida ne retrouvera jamais plus sa jouvence d’antan ni sa quiétude de petit paradis terrestre qui a bercé nos rêves d’enfants et nos amourettes d’adolescents… mais de là à la dénuder ignominieusement de tous ses  repères où à défigurer ses lieux de mémoire il y a vraiment de quoi crier Haro. Haro sur tous ces irresponsables qui sont loin de comprendre la vraie valeur du patrimoine et encore plus loin placés pour saisir le sens de sa préservation, sa protection et sa valorisation afin de le léguer intact aux générations futures.

Faut-il rappeler à nos décideurs et surtout aux égocentriques parmi eux, que le concept de ville ou de région ne se limite pas à sa notion simpliste d’entité urbaine ou à un milieu physique et humain où se concentre une population appelée uniquement à organiser son espace vital en fonction de ses besoins et ses activités de l’heure, en faisant abstraction des reculs temporels avec tout ce qu’ils véhiculent comme charges civilisationnelles?

 De quelle manière peut-on leur expliquer que la ville et sa région sont avant et après tout une grande et prestigieuse histoire avec ses hommes et ses multiples et divers événements, un cumul de cultures et de traditions, un art de vivre et de bâtir véhiculé dans l’espace temps, une mémoire collective et un précieux héritage qu’il serait immoral d’en effacer les contours ou d’en  fausser les repères.

Tout cela nous amène à soutenir le fait que cette entité territoriale dispose de sa propre identité et sa propre âme qui puisent leur dimension de tout ce qui est étiqueté sous le nom de “patrimoine culturel” et qui se définit comme l’ensemble des biens, matériels ou immatériels, ayant une importance artistique et historique certaine. Ce qui représente un ensemble de biens culturels qu’il nous est donné de préserver  cérémonieusement, de restaurer régulièrement, et de  sauvegarder de façon exceptionnelle.

Faillir à ces principes fondamentaux, équivaudrait à un arrachement délibéré de ses propres racines et surtout une ingratitude voire même une insulte envers ce passé proche ou lointain, là où sommeillent tous les fragments d’un précieux héritage, quoique symbolique.

Toujours est-il que dans l’attente des longs et incertains demains, El Jadida périclite dès aujourd’hui en se détachant brutalement de ses racines. El Jadida perd à chaque instant un peu plus de sa mémoire collective, au risque d’une irréversible et inadmissible amnésie, El Jadida est lapidée dans ce qu’elle a de plus précieux, à savoir son patrimoine culturel qui doit représenter son identité et s’offrir en un livre ouvert censé pérenniser entre ses chapitres, l’une des plus fantastiques histoires du pays : l’histoire de Doukkala. L’histoire de ses hommes et femmes ayant nettement marqué leur passage,  de ses sites archéologiques et géologiques, son bâti, son architecture, ses objets d’art, ses chants, ses coutumes, ses danses, ses traditions gastronomiques, ses jeux, ses mythes, ses contes et légendes, ses petits métiers, ses archives, son parler…

Face à nombre de faits accomplis qui froissent nos sentiments et salissent notre mémoire commune, nous est-il permis d’assister à cette agonie latente en simples et passifs observateurs?

Les signaux que vient de lancer l’Association des Doukkala, quoique encore  embryonnaires nous invitent à verser dans l’optimisme.

Une petite ouverture cache souvent une autre plus évasée. Une oreille attentive est toujours en mesure de faire renaître l’espoir.

L’Association des Doukkala a pris le flambeau… et c’est ce qu’on appelle faire usage du bon sens.