Entre campagne et ville, les préparatifs pour le mois sacré diffèrent, mais tous les habitants de la région ont un dénominateur commun : le retour à l’authenticité et la rupture avec la routine. Ainsi, côté femmes, Hadja Zahra a inculqué à ses filles et belles-filles quelques vieilles habitudes tel le tamisage de la semoule, la préparation de lahrira, l’achat d’une nouvelle vaisselle et l’application du henné sur les mains des femmes et des enfants qui jeûnent pour la première fois, caractérisent le ramadan chez les habitants des Doukkala.
Outre cela, c’est le grand nettoyage de l’intérieur du foyer qui est de mise avant l’arrivée du Ramadan. Dans certains quartiers populaires d’El Jadida, l’on n’hésite pas à donner un grand coup de lessive à la façade extérieure du domicile à coup de balai et de chaux.
Parmi la ration alimentaire de la ménagère, l’on peut compter en premier lieu le couscous et le blé concassé, l’orge réputé pour agrémenter la « hssoua ». Les habitants des Doukkala éprouvent une admiration particulière pendant le mois sacré à lui consacrer une place privilégiée.
Au sein de certaines familles jalouses des traditions ancestrales, le couscous est servi au ftour pour célébrer le 15e jour du mois sacré et aussi la veille du 27e jour du mois de jeûne qui véhicule une connotation sacrée dans le rite musulman. Mais dans certains foyers, on accueille ces deux cérémonies avec des plats sucrés, en arrosant le couscous de raisins secs, de sucre et d’eau de rose, mais sans pour autant omettre d’agrémenter la table de petit lait.
Et, depuis le premier jour du Ramadan, une ambiance particulière s’est installée à El Jadida, Azemmour, Sidi Bouzid, Bir Jdid, Ouled Frej, Sidi Ismaïl… Ainsi, les Doukkalis veillent désormais jusqu’à une heure tardive et les cafés des quartiers populaires ne baissent leurs rideaux qu’aux premières lueurs du matin. Et comme Ramadan s’est moulé, au fil des ans, dans les traditions et les mœurs, les Doukkalis vivent cet important événement religieux dans un climat à la fois de grande ferveur religieuse et de riches traditions culturelles, mais aussi en tant qu’occasion pour festoyer en fonction de la quantité et de la qualité de nourriture disponible.
Il est vrai que le mois du Ramadan doit être consacré à la prière, à la spiritualité et à la solidarité et non aux dépenses, mais malheureusement la réalité est tout autre. Toutefois, la frénésie de la consommation connaît généralement un certain fléchissement dès la troisième semaine du mois sacré. Car les gens pensent déjà aux vêtements de l’Aïd Al Fitr. Ainsi, El Jadida et les autres villes des Doukkala prennent alors un nouveau rythme impulsé par les mamans, sous la poussée des enfants, dans la quête effrénée d’habits pour la fête.
Après le ftour, les mosquées se remplissent de fidèles pour la prière des «Taraouih», les cafés regorgent d’amateurs de cartes ou de dominos et les espaces s’avèrent trop exigus pour contenir tout ce beau monde.
Parallèlement, depuis le début du Ramadan, la corniche d’El Jadida et même la plage connaissent une grande affluence de visiteurs en quête de distraction. Les gens déambulent le soir le long du bord de mer après le ftour. La très belle plage se réveille à la tombée de la nuit, offrant une atmosphère festive à des milliers de visiteurs. L’ambiance nocturne, le long de la corniche, se termine à des heures tardives.
Les clients, en majorité des jeunes, sont attirés par la fraîcheur de la mer et la musique populaire qui fuse des cafés. Les nuits du Ramadan leur donnent l’occasion de passer du bon temps avec leurs amis. Mais toute la vie nocturne ne se déroule pas seulement à l’intérieur d’El Jadida. Hors de la ville, le nombre de personnes se promenant en voiture est également en forte augmentation. Le littoral des Doukkala offre plusieurs kilomètres de superbes vues panoramiques sur l’Atlantique, attirant un flot de visiteurs venus respirer un peu d’air pur. Les jeunes n’hésitent pas à sortir voitures et motos pour parader le long de la route côtière, la station balnéaire la plus prisée étant inéluctablement Sidi Bouzid. Ici aussi, de nombreux restaurants, cafés et glaciers prolongent leurs horaires de fermeture tard dans la nuit. Malgré le copieux repas de rupture du jeûne, certains ne peuvent s’empêcher de céder à la tentation des glaces, sandwiches, chawarma, pizzas, etc.
À l’heure du s’hour (repas précédant l’entame du jeûne), le tambourinaire (tebbal), ou le clairon, communément appelés «neffar», font leur tournée dans les anciens quartiers pour réveiller les gens.