Badou Zaki, coach national à la popularité extraordinaire, a été porté par un vœu unanime à la tête des Lions de l’Atlas.
Ayant déjà occupé ce poste, il y a dix ans (il en avait démissionné en décembre 2005) Zaki a l’allure aujourd’hui d’un homme d’affaires quinquagénaire avec ses lunettes, un tour de taille qui a tendance à s’arrondir et surtout une calvitie naissante.
Son image ne ressemble plus beaucoup à celle de 1986, où, élancé tel un tigre, il décourageait les attaquants du monde entier quand il gardait les buts des Lions de l’Atlas.
Mais le Baddou version 2014 n’a rien perdu de sa principale qualité qui est quasiment un trait de caractère
Le garçon possède une extraordinaire confiance en lui.
Audacieux, à la limite du culot, il ne craint rien, ni personne.
Bien qu’ayant connu une enfance où il a oublié que la scolarité existait, Zaki a toujours si où il voulait parvenir. Au sommet. Seules les cimes et donc le défi de soi sont capables de le galvaniser. La médiocrité et l’amateurisme n’intéressent pas ce garçon qui, déjà en 1984 (il avait 25 ans), alors qu’il était keeper n°1 du Wydad et de l’équipe nationale rêvait déjà d’ailleurs.
A l’époque, des amis lui répétaient que pour un jeune homme, né à Sidi Kacem, grandi à Salé, le parcours était déjà énorme et que beaucoup, à sa place, se contenteraient de sa déjà forte notoriété.
Zaki répondait inlassablement : “Je m’ennuie dans le championnat marocain. C’est vrai, je suis international, je joue au Wydad, grand club, dont beaucoup de jeunes rêvent mais ça ne me suffit pas. Le championnat national a un niveau médiocre, le rythme est tellement lent qu’il m’arrive de m’ennuyer dans mes buts. Je n’ai à contrer que des balles faciles, les actions de jeu sont prévisibles, alors j’assure le boulot et parfois à force de me morfondre dans mes dix-huit mètres, je peux encaisser un but tout bête, marqué presque par hasard, par un attaquant qui du coup va devenir celui qui a battu Zaki, et vous les journalistes vous allez en faire des tonnes et me faire passer pour un nul alors que vous ne dites rien sur l’ensemble et les circonstances du match. Le seul évènement qui compte pour vous et le public c’est Zaki a été battu. ».
Ces propos où Baddou Zaki parle de lui à la troisième personne sont authentiques. Ils datent de 1984, lors des J.O. de Los Angeles et Zaki était, déjà, l’un des chefs de file d’une équipe marocaine de foot qui retrouvait cette année-là la scène olympique, scène où le Maroc ne s’était plus produit depuis 1972. C’était aussi les débuts de l’épopée légendaire du onze de Faria qui allait trouver sa plénitude, sous le soleil du mondial mexicain en 1986.
Mais là, à Los Angeles, malgré son jeune âge (25 ans), Zaki avait déjà l’air d’un vieux briscard du foot.
Devenu international en 1979, en même temps que Timoumi, il avait succédé naturellement au portier fassi Hazzaz en s’imposant aux Lahlou (ASS Salé), aux Fattah (Raja et FUS) et Ben Aissa lui aussi du FUS qui semblaient destinés à devenir les titulaires en équipe nationale.
Zaki, belle gueule, sourire ravageur, look désarmant avait volé la vedette à tout le monde. Sa haute silhouette était connue dans tout le Maroc. Son exceptionnelle popularité agaçait, un peu, ses entraineurs au Wydad, les regrettés Bettache et Khalfi qui ont couvé son éclosion, accompagné ses premiers pas d’international et qui passaient surtout leur semaine à répondre aux milliers de supporters du Wydad : « Oui, oui, Zaki va bien, oui, oui il va jouer dimanche, oui, oui, il va rester au Wydad ».
Khalfi avait même dit, pour rire, au président Abderrazak Mechouar : « Il faudrait que vous m’achetiez une mini cassette que je mettrai dans ma poche et dont la bande son contiendrait un seul message « Zaki va jouer ». C’est fou ce que les gens l’adorent ce garçon. ».
Conscient de son impact sur les foules, Zaki avec un instinct incroyable pour son jeune âge va se servir, à merveille, de sa célébrité.
Garçon sain et bien élevé par une mère attentionnée et adorée, Zaki ne va céder à aucune tentation des jeunes de son âge – il ne fume pas, ne boit pas, ne fréquente pas les boites – et s’il aime rigoler c’est autour d’un bon repas avec des amis.
Dormant tôt, s’entrainant dur, Zaki n’aura jamais la grosse tête. Les propos de Los Angeles rapportés ci-dessus, montrent sa lucidité. La célébrité, sa place de titulaire au Wydad et au Onze national ne l’étourdissent pas, car cela ne suffit guère à ce jeune homme ambitieux qui se sent taillé pour d’autres dimensions, un autre destin. En outre, il n’a pas froid aux yeux. Qualifiée pour les J.O de Los Angeles après une longue éclipse, l’équipe nationale est reçue au palais royal de Casablanca par le Roi Hassan II.
On y verra un Zaki avec un improbable manteau en cuir et qui, sous le regard amusé du souverain, semble très à l’aise dans ce décor royal où Zaki repère les hommes qui comptent. Il saura les solliciter et obtenir quelques privilèges qui vont assurer sa fortune.
Le plus beau dans l’histoire c’est que tel général ou tel ministre était tout heureux de rendre service à Zaki dont la photo était posée en bonne place dans la chambre des enfants.
Devenu financièrement à l’aise, Zaki ne cède pas à la facilité de devenir un rentier bourgeois et repu.
Il a encore faim. Faim de gloire et d’accomplissement de son destin.
C’est en Espagne, après le mondial 86, que Zaki va connaitre ce nouveau destin.
A Palma de Majorque, il va devenir une star absolue. Les majorquins l’adorent, les supporters mais aussi les membres du comité et leurs familles tombent sous le charme d’un garçon à qui tout parait réussir.
Heureux en ménage, il s’est marié à une Finlandaise qui est désormais parfaitement intégrée à la société marocaine, Zaki va connaitre une carrière exceptionnelle en Espagne avec l’apothéose d’une finale de Coupe du Roi d’Espagne perdue 1 à 0 face au Real de Madrid et où Zaki, capitaine d’équipe de Palma aurait pu recevoir le trophée des mains du Roi Juan Carlos.
Dommage, cela aurait comblé ce goal-keeper rêvant de gravir toutes les cimes.
En 1991, Zaki revient au Maroc disant vouloir que ses enfants soient élevés dans un cadre et une ambiance où ils apprendront, mieux, la culture marocaine.
S’étant construit une belle demeure dans un quartier huppé de Casablanca, adepte de tennis, de sports équestres et de pêche sous-marine, Zaki a aussi ouvert un grand salon de thé, (il sera imité par d’autres footballeurs internationaux) qu’il nommera tout simplement Palma de Majorque.
On est en 93, on croit le garçon installé et rangé, ayant raccroché ses crampons.
Mais non, car il va rebondir là où on l’attend le moins. Au FUS de Rabat, eh oui, où le président Abdallah Benhsaïn, va le sortir de sa retraite pour lui proposer de venir faire une saison ou deux au sein de l’équipe R’batie.
Zaki accepte avec enthousiasme et sa présence au FUS, sous la conduite d’un coach nommé Abdelghni Naciri, va attirer les foules au match du FUS. Dans l’équipe évolue un certain Chiba, celui-là même qui aujourd’hui fait partie du staff national technique avec Zaki. Comme on se retrouve.
Tout comme Zaki a retrouvé le 2 mai dernier les Lions de l’Atlas.
Pourquoi y est-il donc revenu après en avoir démissionné en 2005 ? On le revoit, les mâchoires serrées, debout au centre du stade de Radès en Tunisie, saluant un par un chaque joueur comme pour leur dire au revoir après un nul (2-2) calamiteux puisqu’il privait la génération Chemmakh et consorts d’être en Coupe du Monde 2006.
Cet échec est sans doute le plus cuisant dans la vie footballistique de Zaki.
Ayant pris l’équipe nationale en 2002, il l’avait menée jusqu’à la finale de la CAN 2004, ce qui est, pour le moment, son apothéose. Pourtant, un an plus tard, le onze national va se fracasser sur les routes du mondial 2006 laissant à la Tunisie une qualification que le Maroc a eue à portée de main.
Un jour, peut-être, il faudra raconter, en détails, toutes les raisons de cet échec où Zaki porte certainement une part de responsabilité. Zaki à qui la Tunisie n’a jamais réussi. Il porte encore dans la mémoire et le cœur le but que lui a marqué Tarek Dhiab en 1987 pour les éliminatoires des J.O de Seoul. Un but que la presse tunisienne saluera comme un exploit extra-terrestre avec gros titres et caricatures à l’appui montrant Zaki en lion dompté par le maestro tunisien.
On ne prête qu’aux riches, un but marqué face à Zaki vaut son pesant de gloire et la Tunisie en a voulu sa part.
Est-ce donc le souvenir de Radès qui n’a cessé de hanter le sommeil de Zaki, durant 9 ans (de 2005 à 2014) et qui le fait revenir pour une nouvelle mission à la tête des Lions de l’Atlas ?
Mission périlleuse s’il en est mais que Zaki, plus casse-cou que jamais, balaye d’un revers de main. Lui, il revient parce qu’il veut donner le trophée 2015 aux marocains.
Il l’a répété partout, il clame ce vœu à toutes les sauces comme pour s’en convaincre et prévient les futurs appelés : « Celui qui ne viendra pas pour gagner le titre n’a qu’à rester chez lui ».
Le ton est donné, bien dans le style de Zaki. Il ne doute toujours de rien, il est persuadé que son destin ne s’est pas encore pleinement accompli. Il veut un sacre en C.A.N. et par la suite, il veut ramener les Lions de l’Atlas en Coupe du Monde. Celle de 2018. En Russie. Et quand Zaki déclare, sincère, forcement sincère, que l’argent ne l’intéresse pas dans cette aventure et qu’il aurait travaillé gratuitement pour les Lions de l’Atlas, il faut le croire.
Car de l’argent, Zaki a su en gagner et le faire fructifier. Il est ce qu’on appelle un homme riche.
Mais un homme dont les horizons ne sont jamais atteints.
Il veut la plénitude, il veut gravir son Everest personnel pour installer le foot national sur les cimes que tout jeune, il a toujours visées.
Y arrivera-t-il ? C’est la question à 50 millions…mais la réponse n’arrivera qu’en 2015.